Sam Mendes, un cinéaste face à la mère

0
21

« Encore aujourd’hui, je trouve plus facile de parler avec vous en tête à tête que de me retrouver dans une pièce avec plein de gens en me demandant à qui je suis censé m’adresser. » Sam Mendes laisse échapper un rire de défense. « Parce que, jusqu’à mes 18 ans, c’était ça ma vie : j’étais face à la même et seule personne à la table du petit déjeuner, au déjeuner, au dîner… »

Si le réalisateur britannique, révélé par American Beauty (cinq oscars en 2000, dont meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur pour Kevin Spacey), revient aujourd’hui sur son enfance avec sa mère bipolaire, c’est que cette dernière est au cœur de son nouveau film, Empire of Light, en salle mercredi 1er mars.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Empire of Light », une ode à la salle de cinéma et à son pouvoir consolant signée Sam Mendes

« Ce n’est pas un film autobiographique. Mais, oui, fondamentalement, Hilary, l’héroïne, c’est ma mère », pose-t-il. Les crises dépressives, les up and down, les voisins qui se plaignent, l’appartement saccagé que l’on retrouve dans le film, ont longtemps été son pain quotidien. « En revanche, dans le film, j’ai effacé l’enfant. J’ai été marqué par une phrase de Margo Jefferson [l’écrivaine afro-américaine de Negroland. A Memoir (Pantheon Books, 2015)] : “Comment se dévoiler sans demander amour ou pitié ?” Donc, cette mère bipolaire du film n’a pas d’enfant. Bien entendu, la caméra reste moi, mais le film est sur elle… »

Il se frotte le front et hoche la tête : « La vérité, c’est que je n’étais pas intéressé par le garçon que j’étais. Difficile d’imaginer ce qu’il se passe dans la tête de ce gamin. Elle est vide. Parce que c’est un trauma d’avoir un parent qui vit une crise. Celui-ci disparaît, vous partez, vous goûtez à une autre vie, et quand vous revenez, il a changé de nouveau, et vous passez par tout ce cycle à chaque fois. Et ce que vous êtes, à la fin, c’est simplement deux yeux qui regardent. »

Sam Mendes est né en 1965, à Reading, à 60 kilomètres à l’ouest de Londres. Il a 3 ans lorsqu’il assiste à la première crise de sa mère. Ses parents se séparent quelque temps plus tard. Désormais, il est seul face à cette femme. Formidable mère quand elle est dans les hauts – « Je ne me suis jamais senti mal aimé, je me sentais seul, mais je n’ai jamais eu le sentiment d’être invisible », dit-il. Perdue quand elle est dans les bas… Dans ces cas-là, le gamin va habiter chez son père. « Je vivais une histoire parallèle, dans un autre endroit, un moment en suspension. Puis on me disait : “Tu peux rentrer à la maison.” Et la vie reprenait son cours. »

Enfoncé dans le canapé, le réalisateur passe souvent un bras dans son dos, se tortille. Pourtant, à 57 ans, Sam Mendes ne semble pas habité par le doute, plutôt par une sorte d’amusement quant au chemin parcouru. Avant aujourd’hui oser se tourner vers son passé, à l’instar d’un Steven Spielberg – avec The Fabelmans – ou d’un James Gray – avec Armageddon Time (2022) –, il a occupé une vie à monter des classiques du théâtre britannique dans les salles londoniennes, et des films à Hollywood.

Il vous reste 68.68% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici