LCP – MERCREDI 1er MARS À 20 H 30 – DOCUMENTAIRE
« J’aime travailler beaucoup, mais surtout j’aime travailler bien, précise, lasse, Camille Dumortier-Clermont. Partir avec ce sentiment d’avoir survolé plein de choses cela me fait beaucoup de mal. »
Camille est sage-femme et a dû s’arrêter pour éviter la maltraitance. « J’adore mon métier, mais plus ça va et plus il me pèse », dit-elle. Un constat largement partagé dans la profession : voici plusieurs années que les structures hospitalières échouent à stopper l’hémorragie des professionnelles de la maïeutique.
Le Conseil national de l’ordre des sages-femmes a alerté, le 13 octobre 2022, sur cette pénurie inédite de sages-femmes : le nombre de radiations de professionnels en âge d’exercer a explosé (+ 112 % au cours du premier semestre 2022 !). « Ce phénomène contribue à dégrader davantage la qualité et la sécurité des soins mais aussi les conditions d’exercice, conduisant ainsi sages-femmes et étudiants à fuir la profession. » Cela entraîne aussi la fermeture de services de maternité.
Ce cercle vicieux est le sujet du documentaire de Carine Lefebvre-Quennell. Elle a suivi, sans narration, le quotidien de six sages-femmes de la maternité de niveau III – c’est-à-dire disposant de tout le matériel et du personnel nécessaires pour faire face à toutes les situations d’urgence – du CHRU de Nancy.
« Le plus beau métier du monde »
La réalisatrice a choisi de s’immerger une douzaine de fois dans des gardes de douze heures pour restituer le réel, sans tabou mais également sans les tenaces images d’Epinal qui enjolivent un peu trop vite la profession, notamment celles d’une « vocation » pour « le plus beau métier du monde ». Des clichés qui éclipsent une demande de reconnaissance salariale et professionnelle que les sages-femmes portent depuis plusieurs années – elles sont descendues six fois dans la rue en 2021.
Au gré des prises en charge des grossesses, des accouchements par voie basse et par césarienne, de la gestion des suites de couche, des premiers soins donnés aux nouveau-nés, ou des IVG, le film déploie, suivant le rythme décousu de l’activité, toute la technicité d’un métier dont la pénibilité physique et morale est peu (re) connue.
Dans le contexte d’un hôpital partout à bout de souffle, le documentaire montre aussi les écrasantes responsabilités qui pèsent sur les sages-femmes alors que le cœur de leur métier – la relation et l’accompagnement de patientes dans un des moments les plus marquants de leur vie – disparaît peu à peu.
Conditions de travail « à la chaîne », perte de sens qui en découle… « Je me dis que je ne ferai pas ça jusque 60 ans », avoue Sandrine Allix, épuisée de « sauter de box en box ». Le trop-plein exprimé par ces professionnelles dévoile une forme de maltraitance à l’égard de femmes – soignantes mais aussi parturientes. « Dès qu’il s’agit du soin, on entre vite dans des environnements féminins, que ce soit en crèche, à l’Ehpad ou ici à la maternité », explique la réalisatrice.
Salle des naissances, de Carine Lefebvre-Quennell (France, 2023, 52 min). Disponible sur LCP. fr jusqu’en 2026.