CANAL+ – MARDI 14 MARS À 22 H 50 – FILM
Revoir Paris. Le titre du film est en soi un programme. Tout d’abord parce que rien ne permet de penser, à travers ces deux mots, que le récit porte sur une attaque terroriste, du type de celle de 2015 – le frère d’Alice Winocour était au Bataclan, le soir du 13 novembre, et son vécu a inspiré la réalisatrice. Bien au-delà, le titre nous dit qu’après l’assaut meurtrier, le recensement des victimes, la prise en charge des survivants s’ouvre un autre chapitre, d’ordre psychologique, où la reconstruction passe par la reconnexion avec les autres.
Mia (Virginie Efira) est traductrice de russe. Elle sillonne Paris à moto et intervient dans des colloques, à Radio France, etc. Elle semble vivre une belle histoire avec Vincent (Grégoire Colin), chef de service d’un hôpital. Un soir, alors qu’ils dînent tous les deux au restaurant, celui-ci reçoit un appel et explique qu’il doit retourner au travail. Mia remonte sur sa Triumph, puis, surprise par une pluie battante, se pose dans une brasserie. Un homme (Benoît Magimel) y fête son anniversaire. Il s’attarde un instant sur Mia. Puis vient le bruit des mitraillettes…
Durant l’attaque, qui dure à peine quelques minutes, la caméra se fait discrète, se réduisant presque à une lampe à faible lueur, éclairant à peine les corps, tremblants, cachés ou déjà morts. Passé ce moment traumatique, Revoir Paris bascule dans un voyage mental, géographique et sociologique au cœur de la capitale. C’est la plus belle idée du film que de prendre appui sur la « carte postale » (cheminées et toits de zinc…) pour mieux la déconstruire à travers les yeux de l’héroïne.
Une atmosphère hitchcockienne
Revenant sur le lieu de la tuerie, Mia découvre une association d’aide aux victimes créée par une cliente rescapée (Maya Sansa). Celle-ci lui explique la notion de « diamant au cœur du trauma », c’est-à-dire ces choses positives qui peuvent survenir et ne se seraient pas nouées sans l’événement. Sur place, il y a aussi Thomas (Benoît Magimel), des broches métalliques à la jambe gauche. Il faut être au moins deux pour se souvenir, lui dit-il.
La fiction puise dans le réel pour tisser le récit. Le scénario s’articule autour de deux axes. Le premier, prévisible : l’impossibilité pour Mia de renouer avec sa vie d’avant, les problèmes de couple qui surgissent… Le second, moins attendu : la nécessité pour l’héroïne de sortir de chez elle, de sa « zone de confort », pour aller vers les autres et tenter de se remémorer des bribes de la tragédie.
Une atmosphère hitchcockienne, adoucie par l’humour et une certaine décontraction de Benoît Magimel. En jean et blouson de cuir, Virginie Efira porte le film avec son regard, souvent dans le brouillard, que viennent illuminer des réminiscences soudaines. Son interprétation lui a valu le César 2023 de la meilleure actrice.
Revoir Paris, film d’Alice Winocour (Fr., 2022, 105 min). Avec Virginie Efira, Benoît Magimel, Grégoire Colin, Maya Sansa, Amadou Mbow, Nastya Golubeva. Disponible à la demande sur MyCanal.