Peter Weibel, artiste et penseur des médias, est mort

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L’artiste, professeur et directeur artistique Peter Weibel est mort d’un cancer le 1er mars à Karlsruhe (Allemagne) à l’âge de 78 ans. Né à Odessa (Ukraine) le 5 mars 1944, il dirigeait depuis 1999 le Zentrum für Kunst und Medien (ZKM) (« centre d’art et de technologie des médias de Karlsruhe ») de Karlsruhe, dont il a fait l’un des lieux les plus vivants de la scène internationale.

La première image qui vient à l’esprit à son propos est celle d’un trentenaire à manteau sombre et casquette qui avance sur un trottoir à Vienne, en février 1968. Ce serait banal s’il ne marchait à quatre pattes, une laisse au cou, tenue par la performeuse autrichienne Valie Export, aussi banalement habillée que lui. Passantes et passants participent involontairement par leurs réactions à la performance, Aus der Mappe der Hundigkeit – qui peut se traduire par « document sur la chiennerie ». Un homme réduit à l’état d’animal de compagnie d’une femme, voilà de quoi choquer des Viennois qui auraient sans doute trouvé amusante ou érotique la scène si les rôles avaient été inversés.

Quelques mois plus tard, Valie Export, toujours avec Weibel, accomplit une autre performance de rue, Tapp und Tastkino (« cinéma du toucher ») : sa poitrine nue est cachée dans une boîte en carton fermée par un rideau, comme une scène ou un écran, et elle propose à ceux qu’elle croise de glisser les mains dans la boîte pour caresser ses seins. Les photographies en attestent : plusieurs hommes acceptent sans mesurer ce qu’ils font. Si elles viennent après la Cut Piece de Yoko Ono en 1964, ces actions de Valie Export et Peter Weibel précèdent de plusieurs années celles de Marina Abramovic sur le même principe de la nudité féminine livrée aux pulsions.

A cette date, Weibel est depuis plusieurs années une figure de l’internationale de la contestation. Tout autre aurait dû être sa vie : après une jeunesse en Haute-Autriche, il étudie le français et la littérature à Paris, puis engage des études de médecine à Vienne en 1964, les abandonnant pour les mathématiques et la logique. Mais la rencontre avec les Actionnistes viennois Otto Muehl, Hermann Nitsch ou Günther Brus, apparus au début de la décennie, dévie sa trajectoire. En 1965, il fait équipe avec Muehl dans la performance Proposition sur l’art non affirmatif, qui tourne en dérision l’artiste messianique porteur d’une vérité. L’année suivante, il retrouve celui-ci, Wolf Vostell et Gustav Metzger lors du Destruction in Art Symposium de Londres dont l’intitulé énonce le sujet.

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