CHRONIQUE
Il y a tant de façons de tirer sa révérence, pour un personnage de série. La chute dans la trappe du non-renouvellement (dernière victime en date, Willow, qui n’aura vécu qu’une saison sur Disney +), les adieux interminables d’une série dont la rentabilité a survécu plusieurs saisons à son inspiration (un sort qu’ont connu aussi bien Sheldon et Leonard que Daenerys Targaryen). Et puis il y a le sort enviable de Don Draper, Tony Soprano ou Selina Meyer. Le virtuose de la publicité de Mad Men, le parrain du New Jersey des Soprano et la politicienne sans scrupule de Veep sont partis quand leurs créateurs en ont décidé, au terme d’un récit cohérent.
C’est le sort que s’apprêtent à connaître Ted Lasso, Roy Logan et Barry Berkman. Jason Sudeikis, interprète et cocréateur (avec Bill Lawrence) de Ted Lasso, Jesse Armstrong, créateur de Succession, et Bill Hader, créateur et interprète de Barry, ont chacun annoncé leur intention de mettre un terme à l’existence fictive de leur personnage. Pour jouer au démographe, on remarquera que l’espérance de vie des protagonistes de séries est en chute libre : 92 épisodes de Mad Men, 86 des Soprano, 65 de Veep, alors qu’on n’en aura passé que 34 en compagnie de l’entraîneur de l’AFC Richmond, 38 avec le clan Logan et 32 sur les traces du tueur à gage et acteur Barry Berkman. Cette brièveté sied plutôt bien au patriarche des médias que joue Brian Cox dans Succession et au personnage qu’a inventé Bill Hader.
Quand on a fait la connaissance de Roy Logan, il était déjà malade et ses enfants commençaient à se disputer son empire, pensant sa fin prochaine. Aussi débridée que soit l’invention satirique de Jesse Armstrong, elle est assez ancrée dans la réalité pour tenir compte de la mortelle condition de ses personnages (même si les paris restent ouverts quand à l’épilogue de la bataille autour de l’empire Waystar Royco. Après tout, sur Terre, Rupert Murdoch bouge encore). Au premier jour du tournage de la quatrième saison, dont on découvrira le premier épisode le 27 mars, Jesse Armstrong a déclaré aux acteurs : « Je ne veux pas vous dire de conneries, mais je crois que cette fois, ça y est », exprimant à la fois ses incertitudes et sa décision d’y mettre un terme.
Motif du « Poisson hors de l’eau »
Quant à Barry, toute l’affection qu’on lui porte (due à la composition invraisemblable mais irréfutable que donne Bill Hader de son personnage) n’y peut rien. Il a laissé sur son chemin trop de cadavres pour rester un personnage purement comique. Et la pénultième saison mettait en scène une espèce de rémission de la psychopathie du personnage, une épiphanie morale qui pointe plutôt vers la tragédie (même si l’on peut parier que Hader ne renoncera pas à ses sombres talents d’humoriste). On sera fixé sur le sort du tueur sentimental fin mai, au terme de la diffusion des huit derniers épisodes. Voilà des agonies que l’on ne pouvait prolonger outre mesure.
Il vous reste 32.9% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.