Dans ce qu’elle écrit, il y a de la forêt et de la nuit, du silence, des terreurs enfantines qui reviennent s’inviter dans nos vies d’adultes. Pauline Peyrade a 37 ans, elle est dramaturge, tout nouvellement romancière, et c’est une des écrivaines dont on parle, en cette fin d’hiver. Sa dernière pièce, Des femmes qui nagent, est à voir au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), jusqu’au 19 mars, avant de poursuivre sa tournée. Son premier roman, L’Age de détruire (éditions de Minuit, 160 p., 16 €), trace sa route, porté par sa puissance de saisissement et un bouche-à-oreille flatteur.
Du plus loin qu’elle s’en souvienne, Pauline Peyrade a toujours voulu écrire : « Dès l’âge de 4 ou 5 ans, je prenais des feuilles de papier que je pliais en deux, comme pour fabriquer des livres, avec des petites histoires inscrites à l’intérieur, raconte-t-elle, amusée. J’ai eu depuis la petite enfance une fascination pour l’écriture et les écrivains. » Elle a fait des études brillantes, mais le théâtre s’est invité tard, alors qu’elle était en khâgne au lycée Henri-IV à Paris. « C’est arrivé par la découverte de Jean Genet et de ses pièces Les Bonnes et Le Balcon, se souvient-elle. Cette lecture a été pour moi foudroyante, d’une importance capitale : à la fois pour la puissance d’évocation de Genet, pour son travail sur les rapports de domination, mais aussi pour toute sa pensée sur une forme de métathéâtre, sur la manière dont l’écriture se pense tout en écrivant. »
La figure tutélaire de Genet ne l’a jamais quittée au fil de son parcours, qui s’est poursuivi à la Royal Academy of Dramatic Arts de Londres, où elle a fait d’autres découvertes importantes, au premier rang desquelles Sarah Kane et Edward Bond. Pauline Peyrade a ensuite intégré l’Ecole nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (Ensatt) de Lyon, dans la même section dramaturgie où, aujourd’hui, elle accompagne de jeunes aspirants à l’écriture théâtrale. C’est donc armée d’un solide bagage théorique et intellectuel qu’elle a commencé à écrire ses textes, qui très vite ont été remarqués, notamment par le metteur en scène Cyril Teste.
« Reprendre les armes »
Pauline Peyrade détonne dans le paysage, où les écritures sociologiques plates et sans mystère se sont multipliées comme des petits pains ces dernières années, un peu trop faciles à fabriquer et à vendre aux programmateurs. D’emblée, ce qu’elle a proposé, avec des textes comme Bois impériaux, Poings ou A la carabine (tous publiés aux éditions Les Solitaires intempestifs en 2016, 2017 et 2020), c’était tout autre chose : de vrais dispositifs formels, des sortes d’enquêtes intimes explorant avec autant de sensibilité que de maîtrise l’intériorité de femmes en butte à différentes formes de violence. Car elle a su d’emblée que c’était cela qu’elle allait écrire : des histoires de la violence, et de celle qui s’exerce de manière spécifique, « systémique », dit-elle, sur les femmes et sur les petites filles.
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