Dans le grand bureau près de la gare Saint-Lazare, impossible de ne pas être attiré par la mention « à l’attention de Pauline Duarte », sous les nombreux disques d’or de Kalash Criminel, SCH ou même Beyoncé. « Je vais bientôt en fixer sur le plafond », rit l’intéressée. Car Pauline Duarte, 42 ans, s’est imposée comme une ponte du rap français. Depuis 2020, elle dirige le label spécialisé rap et R’n’B Epic Records, filiale de Sony.
D’autres récompenses pourraient bientôt venir décorer son bureau. La première édition des Flammes, compétition qui met à l’honneur les cultures urbaines, aura lieu au Théâtre du Châtelet le 11 mai. Epic Records concourt dans la catégorie Label de l’année et domine les nominations, avec onze de ses artistes. Les Flammes, créées par les médias spécialisés Yard et Booska-P, peuvent être considérées comme un contre-pied aux Victoires de la musique, régulièrement accusées d’ignorer, voire de mépriser, le rap et les artistes qui en sont issus.
D’abord musique marginale, le rap français est aujourd’hui le genre le plus écouté. Une évolution que Pauline Duarte a suivie de très près. En regardant notamment l’un de ses quatre grands frères, Gilles, plus connu sous le nom de Stomy Bugsy, membre du Ministère A.M.E.R., groupe de hip-hop phare des années 1990. Ce dernier se souvient de la chambre de Pauline, dans l’appartement de Sarcelles (Val-d’Oise) où ses parents se sont installés à leur arrivée du Cap-Vert. « Ses murs étaient recouverts de posters de chanteurs. Je traînais ma sœur partout avec moi. Quand elle avait 6 ans, elle m’accompagnait aux concours de breakdance de Sarcelles », raconte-t-il.
Choix originaux et expertise
Elle trouve alors sa vocation : accompagner les artistes dans leur carrière. « Il fallait qu’elle se débrouille. Je lui disais qu’elle devait se battre toute seule », raconte Stomy Bugsy. « De toute manière, dès que je lui demandais quelque chose, il me disait : “Vas-y toi-même” », rigole Pauline Duarte. Elle enchaîne les stages, est embauchée chez Columbia Records. « Son énergie m’a plu. Elle ne comptait pas ses heures. Elle reconnaissait les talents qui venaient d’horizons différents. Elle savait anticiper ce qui allait marcher ou non », se souvient Jean-Charles Felli, à l’époque directeur marketing de la firme.
Là-bas, elle s’occupe d’artistes de variété de langue française, comme la Canadienne Natasha St-Pier ou l’Australienne Tina Arena. Elle reste chez Columbia presque neuf ans, avant de rejoindre Believe, en 2012, pour s’occuper entre autres du rappeur Youssoupha. « Il n’y avait pas de directeur artistique à l’époque, donc, en plus de marketing, je cherchais des nouveaux talents », raconte Pauline Duarte. Elle repère le rappeur Joke (aujourd’hui nommé Ateyaba), sa première signature, qui devient le plus gros succès de Columbia Records. L’artiste croule vite sous les propositions de contrats. Il signe chez le respecté label Def Jam Recordings, détenu par Universal. Une condition : que Pauline Duarte l’accompagne.
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