Olivier Cadiot, qui sera présent à La Comédie du livre – 10 jours en mai, est non seulement l’auteur de sept romans mais un traducteur de poésie et surtout de théâtre. Il a notamment adapté plusieurs pièces de Shakespeare pour le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier. Il évoque pour « Le Monde des livres » ce que signifie pour lui l’art de traduire.
Peut-on être à la fois traducteur et écrivain ?
Quand j’écris, je traduis la langue inadéquate de mes pensées et de mes affects. Ecrire, c’est se corriger à l’infini. Je pose des fragments que je veux rendre accessibles à la lecture et, donc, il faut que je comprenne ce que je veux dire. Pour moi, la traduction est devenue un exercice quotidien, un peu comme on fait des gammes. Elle ressemble à une table de négociation avec l’auteur du texte original, avec sa langue et surtout avec ses idées, ses affects. Mais il est vrai que si l’on veut bien traduire, il ne faut faire que ça. La traduction absorbe mon énergie mentale et m’écarte quand même un peu de l’écriture. Le bonheur d’une traduction vient de ce qu’on lit un livre en six mois. Un traducteur est un lecteur radical. Je ne lis jamais intégralement un texte avant de le traduire. Je me mets dans la situation d’un spectateur. J’aime entrer lentement dans une scène, le temps qu’il me faut pour m’intéresser au personnage, pour le voir évoluer.
Que trouvez-vous spécifique dans le fait de traduire ?
Je trouve intéressant ce qui est daté : les traductions passées vous confrontent à un moment, à une époque, fournissent des renseignements sur la période où le texte d’origine a été écrit. Traduire vous met dans la situation paradoxale de vous confronter à une langue qui a la prétention de durer. J’ai l’impression de mener un véritable combat avec les traducteurs précédents – tout en les respectant. Il n’en reste pas moins qu’on pourra dire plus tard que mon travail correspond aux possibilités de la poésie à la fin du XXe siècle ou au début du XXIe. De même, les Psaumes traduits par Clément Marot reflètent les ressources poétiques propres à la Renaissance.
L’une de vos premières expériences de traduction a justement été celle de « La Bible des écrivains », publiée sous la direction de Frédéric Boyer (Bayard, 2001). Vous vous êtes chargé des Psaumes et du Cantique des cantiques. Cela a-t-il changé le regard que vous portez sur la traduction ?
J’ai eu énormément de chance, parce que ce projet m’a ouvert la possibilité d’être traducteur. J’ai collaboré six ans avec un hébraïste. Il me fournissait des fiches où chaque mot en contenait un autre possible. Je me trouvais face à une palette de vocables, enrichie par les commentaires. Bien sûr, je regardais la Bible de Jérusalem de très près, une traduction très exacte mais rédigée dans le style de Victor Hugo. Quand le psalmiste écrit chez moi : « Moi, petit, dans le noir, je pleure », on se retrouve avec « J’allais tout seul dans les ténèbres », une syntaxe grandiloquente dans laquelle la concision du texte biblique est perdue.
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