« Nuits de noces », de Violaine Bérot, La Contre Allée, 96 p., 15 €, numérique 10 €.
Elle est l’enfant de ça. De tout ça. D’un amour si souverain, si puissant, si incroyable, si dérangeant aussi qu’on peut se demander s’il n’est pas quelquefois difficile, surtout quand on est l’aînée, de grandir sous cette ramure bruissante et agitée. Dans Nuits de noces, au fil des couplets d’une comptine qu’elle fredonne en confidence, Violaine Bérot raconte aujourd’hui l’histoire de ses parents. Pas n’importe quelle histoire, pas n’importe quels parents.
Quand, en 1959, Marcellin a rencontré Marie-Claude, de dix ans sa cadette, il était prêtre. Elle, en rupture avec sa famille, fuit un père violent. Lui n’est pas un curé très conforme pour l’époque. Ils s’attendront sept très chastes années. Le temps de la patience résolu pour elle, car elle a su tout de suite qu’il était l’homme de sa vie ; celui de la décision pour lui, de la levée des doutes, des scrupules. C’est en certitude, en foi absolue, qu’en 1966 ils se marient.
Marcellin est mort à 89 ans à la fin de l’hiver 2019. Marie-Claude entre alors dans l’absence, le vide et la peine sans consolation. « Se termine cette année/ que tu ne termineras pas./ Se termine cette année/ et moi/ seule/ moi/ si vieille et presque morte/ moi même pas capable d’être morte/ même pas/ tandis que toi. »
Pour ce long poème en vers libres, Violaine Bérot prend la voix de sa mère. Elle fait le récit par le menu de la belle aventure de « cet explosif amour » dont elle fut le témoin, comme sa sœur et son frère (« Puis vinrent les enfants./ Quelle idée/ des enfants/ au lieu de profiter de n’être que l’un et l’autre »), cette passion jamais éteinte, dont elle pressent la puissance charnelle, l’enveloppante douceur. Elle donne à Marie-Claude les mots pour le dire, elle entre dans sa peau.
Lyrisme emporté
L’œuvre entière de Violaine Bérot (une dizaine de titres, principalement chez Buchet-Chastel) est de cette incarnation. Le corps, les organes, le gosier. Ça chuchote, ça crie, ça gueule, ça pleure, ça gémit, ça appelle. Tout est choral. Les personnages se répondent, s’apostrophent ou déversent seuls, a cappella, ce qui agite leurs sens, ce qui pèse sur leur âme. Et l’écrivaine ne craint pas l’exaltation, le lyrisme emporté. Sa Jeanne d’Arc de Jehanne (Denoël, 1995), son premier roman, se débat dans le désordre de ses émotions, de ses impossibles désirs. Dans la solitude d’Ithaque, sa Pénélope (Pas moins que lui, Lunatique, 2013) est suffoquée tant Ulysse lui manque. Chaque fois, Violaine Bérot s’empare, bouleverse. Fait vaciller, vibrer.
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