LA LISTE DE LA MATINALE
Pendant que créateurs, producteurs et diffuseurs discutent de l’avenir de la télévision au festival de La Rochelle, les téléspectateurs apprécieront la belle tenue des nouveautés de la semaine, essentiellement françaises même si la troisième saison de The Morning Show fait plus que bonne mesure.
« Tapie » : j’aurais voulu être un artiste
En trente ans et quelques épisodes majeurs de la vie de « Nanar », le biopic de Tristan Séguéla et Olivier Demangel brosse autant le portrait d’un self-made-man à la française qu’il dresse le tableau d’un pays en voie de fracturation économique. Sous les traits de Laurent Lafitte (parfait), le fils de chauffagiste rêve de succès mais il n’en maîtrise pas les codes. Alors il commence par la chanson (la série fait de cette vocation d’artiste raté un puissant moteur du personnage), puis passe à l’électroménager, au paramédical… avant que l’activité des entreprises qu’il crée ou qu’il rachète à bas prix ne devienne complètement secondaire par rapport au bénéfice qu’il peut en tirer. Plutôt que d’aller fouiller la psychologie de l’homme, la série s’intéresse aux conséquences – économiques, sociales, judiciaires, personnelles… – d’une carrière qui mènera l’homme jusqu’au ministère de la ville, puis à la prison. Equilibrée par des personnages secondaires soigneusement écrits et interprétés, cette fuite en avant culmine en un dernier épisode particulièrement réussi, qui met Bernard Tapie face à la justice et à la nécessité de répondre de ses actes. L’homme n’en sortira pas grandi. Le capitalisme non plus. Au. F.
Série créée par Olivier Demangel et Tristan Séguéla, réalisée par Tristan Séguéla. Avec Laurent Lafitte, Joséphine Japy, Antoine Reinartz, Patrick d’Assumçao, Camille Chamoux, David Talbot (France, 2023, 7 x 55 minutes). En intégralité sur Netflix le 13 septembre.
« Rictus » : rire de tout ou ne plus rire du tout ?
Dans un monde où le rire, jugé dégradant et insultant, a été banni, les êtres humains n’ont plus à leur disposition qu’une horrible grimace (lèvres pincées vers le bas, nez tendu, menton rentré, yeux vitreux… mention spéciale aux comédiens) pour exprimer leur joie. Les autorités veillent, qui réprimandent les récalcitrants : casque orthodontique antirire pour les enfants, séances de « rieurs anonymes » pour les adultes. Mais, contre l’esprit de sérieux, une résistance s’organise, menée par les nostalgiques du monde d’avant, ceux pour qui l’on peut rire de tout. Et même les policiers du rire les plus zélés, tel Stéphane (Fred Testot), ne sont pas à l’abri qu’une émotion – en l’occurrence amoureuse – ne vienne leur étirer les babines. Au-delà du potentiel comique de la proposition (on rit d’ailleurs souvent), la série d’Arnaud Malherbe et de Marion Festraëts (Prix de la meilleure série française à Séries Mania) vaut évidemment pour sa tentative de réponse aux questionnements de notre époque sur l’humour et son corollaire, l’offense. Au milieu des gags, qui consistent essentiellement à tourner en ridicule ce monde où la bienveillance, les chatons et les hamsters ont remplacé toute faculté critique, se dessine une satire plus politique sur la liberté d’être soi et ses limites. Au. F.
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