« Noor », sur LCP-Assemblée nationale : le chant d’amour de la soprano syrienne Maya Dabbagh pour Alep

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LCP-ASSEMBLÉE NATIONALE – MARDI 7 MARS À 20 H 30 – DOCUMENTAIRE

Sur les toits d’Alep, dans l’obscurité d’une église, devant des monceaux de gravats, Maya Dabbagh chante. Des chants religieux en arabe, des messes de Mozart, entrecoupés de vocalises. Le film documentaire Noor suit les pas de la jeune Alépine, soprano de la chorale œcuménique Naregatsi. Par la musique, elle a exorcisé la peur de la guerre qui a ensanglanté la deuxième ville de Syrie entre 2012 et 2016. Le quotidien est à l’arrêt depuis, et une dure crise économique sévit : elle trouve dans le chant l’élan pour continuer.

Filmé en 2018 et en 2022, Noor raconte le quotidien chaviré de Maya, les amitiés que la trentenaire a tissées dans le chœur fondé par un prêtre aujourd’hui décédé, et ses rêves de carrière lyrique. La caméra nous emmène dans les ruines fantômes de Homs, désertées même par les oiseaux, dans celles d’Alep, ville devenue méconnaissable pour ses habitants, ou sur des routes où claque le drapeau syrien près de portraits de Bachar Al-Assad.

Durant tout le film, Maya dit son amour pour Alep. La ville fut divisée pendant quatre ans entre quartiers loyalistes et faubourgs rebelles. La reconstruction est restée un mirage, à de rares exceptions : la cathédrale maronite, que l’on voit éventrée au début du film, à la suite des combats, est restaurée en 2022. Alors que ses sœurs et ses amis s’en vont, Maya refuse de quitter Alep.

Un exode majeur

Plus de 6 millions de Syriens se sont exilés depuis le soulèvement de 2011, durement réprimé par le pouvoir de Bachar Al-Assad. Un exode majeur, qui a bouleversé le tissu social. Il affecte toutes les communautés : seuls environ 20 % des chrétiens d’Alep – le milieu dans lequel évolue le documentaire – seraient encore sur place.

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Le film s’égare toutefois quand il s’éloigne de l’aspect humain mis en avant pour parler, de façon furtive, de politique : il réécrit l’histoire, en attribuant exclusivement la destruction d’Alep à des groupes djihadistes, dont la présence ne fut pas continuelle en zone insurgée, « délogés » par les armées syrienne et russe. Les forces prorégime sont exemptées du pilonnage incessant de l’ancienne partie rebelle. A défaut de restituer la complexité de ce qui s’est déroulé à Alep, il aurait fallu des sous-titres de contexte en contrepoint à ces quelques phrases partisanes. Cela vaut aussi pour Homs.

Mais Noor ouvre une fenêtre sur les Syriens restés en territoire loyaliste, que l’on a peu entendus, dans leurs peurs durant la guerre et dans leur désespoir aujourd’hui dans un pays à genoux. L’image suggère que la culture peut réunir un peuple meurtri et divisé. Depuis la citadelle d’Alep, Maya et ses amis entonnent, avec des visiteurs, une chanson rendue célèbre par le ténor Sabah Fakhri, décédé en 2021. Ses airs sont synonymes, pour de nombreux Syriens, d’une immense nostalgie.

Noor, écrit et réalisé par Stéphanie Lebrun et Shaza Maddad (Fr., 2023, 57 min). Suivi d’un débat sur « l’art comme une arme de résistance »

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