« Ni Dieu ni maître. Une histoire de l’anarchisme », sur LCP : une fresque érudite sur le mouvement libertaire

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LCP − LUNDI 22 MAI À 20 H 30 − SÉRIE DOCUMENTAIRE

« Ni Dieu ni maître. » L’auteur et réalisateur Tancrède Ramonet emprunte la formule d’Auguste Blanqui (1805-1881), révolutionnaire socialiste qui passa tellement de temps en prison qu’on le surnomma « l’Enfermé », pour titrer sa fresque documentaire en quatre épisodes – visibles indépendamment – consacrée à l’anarchisme. Il aurait pu ajouter « ni critique », tant l’histoire qu’il en propose est laudative.

Lire la critique : Article réservé à nos abonnés Blanqui, homme de barricades

Mais étrangement, ici, ce parti pris n’est pas gênant, compensé par l’érudition et l’enthousiasme des historiens interrogés, tous spécialistes ou partisans des mouvements qui se sont opposés, en France et ailleurs, à toute forme d’autorité (Etat, patron, religion) depuis le XIXe siècle. Cette passion commune permet à Tancrède Ramonet (fils d’Ignacio Ramonet, ex-directeur du Monde diplomatique) de présenter des archives inédites, des documents ignorés et des éclairages nouveaux sur des faits que l’on croyait rabâchés.

A condition toutefois de ne pas s’arrêter aux premières images de l’épisode 3, diffusé lundi 22 mai, notamment celles du camp de Mauthausen, où des anarchistes ont été déportés pendant l’Occupation. Passé cette introduction, Des fleurs ou des pavés (1944-1968) se focalise sur la renaissance du mouvement, depuis la recréation de fédérations en Europe jusqu’au « mouvement révolutionnaire qui aurait pu changer la face du monde ». Mais à travers le prisme original du pacifisme, qui progressivement va basculer vers la violence – la création d’Action directe en est l’illustration. « L’idée selon laquelle la guerre serait la santé des Etats devient le cœur de la pensée libertaire », déclare l’historienne britannique Carissa Honeywell.

Une large séquence est ainsi consacrée à la « provolution », née en 1965 aux Pays-Bas et incarnée par Roel van Duijn. Cet étudiant va théoriser « le fameux cycle : provocation, répression, mobilisation ». A la narration, le comédien Redjep Mitrovitsa ne peut réfréner son admiration. Quelques minutes plus tard, en revanche, il se désole : le 15 mai 1967, le mouvement Provo se dissout, « incapable de saisir ce momentum révolutionnaire ».

Cohn-Bendit et Mai 68

L’enchaînement avec Mai 68 est instantané, suggéré par une photo emblématique représentant le leader étudiant Daniel Cohn-Bendit. Mais, là encore, certains développements surprennent agréablement, comme à propos de l’utilisation du sigle A pour fédérer la nébuleuse anarchiste « par automatisme mental » – utilisant au passage les règles du marketing.

Le film rectifie, par ailleurs, quelques « erreurs » : « Contrairement à ce que dit la légende, la répression [de Mai 68] est très brutale. » L’historienne Claire Auzias (qui a pris part, en 1968, au mouvement du 22-Mars lyonnais) rappelle encore que, le 14 mai, à Lyon, un policier est mort non pas sous les roues d’un camion lancé par des manifestants, comme l’a dit alors le préfet de police, mais lors de traitements à l’hôpital…

Après l’échec de la guerre en Espagne, après Mai 68, le plus touchant est peut-être de constater la ferveur intacte des interviewés, ralliés derrière le vieil adage libertaire : « Aucune tentative révolutionnaire n’est jamais vaine. »

Ni Dieu ni maître. Une histoire de l’anarchisme, série documentaire de Tancrède Ramonet (Fr., 2022, 4 x 52 min). Les épisodes 3, Des fleurs ou des pavés (1944-1968), et 4, Les Réseaux de la colère (1965-2012), sont diffusés les 22 et 23 mai à 20 h 30 sur LCP, suivis de débats présentés par Jean-Pierre Gratien. Les épisodes 1, La Volupté de la destruction (1840-1914), et 2, La Mémoire des vaincus (1911-1945), sont disponibles en VOD sur Arte.tv.

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