Mort du pianiste germano-russe Anatol Ugorski, interprète de Messiaen, Scriabine et Beethoven

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Le pianiste russe naturalisé allemand Anatol Ugorski, remarqué dans ses interprétations de Messiaen, Beethoven et Scriabine, est mort le 5 septembre à l’âge de 80 ans dans la ville de Deltmold (Allemagne), où il s’était installé depuis 1990.

Né dans une famille pauvre de la communauté juive, Anatol Ugorski voit le jour le 28 septembre 1942 à Roubtsovsk, en Sibérie, à la frontière du Kazakhstan. Il émigre trois ans plus tard à Leningrad (Saint-Pétersbourg) avec ses parents et leur fratrie de cinq enfants. Exceptionnellement doué, le jeune garçon est admis à l’âge de 6 ans à l’école de musique du conservatoire de la ville. Il entrera en 1960 au conservatoire de Leningrad dans la classe de piano de Najda Goloubovskaïa, avec laquelle il travaille jusqu’à l’obtention de son diplôme en 1965, donnant des concerts publics dès 1962.

Anatol Ugorski a 25 ans lorsqu’il remporte en 1968 un troisième prix au concours George Enesco à Bucarest. C’est l’année où Pierre Boulez se produit à Leningrad, enthousiasmant le jeune musicien depuis toujours passionné de musique d’avant-garde, que ce soit celle de ses collègues soviétiques ou des compositeurs occidentaux, alors interdits par le régime. Il sera un de ses premiers défenseurs, créant certaines de leurs œuvres en URSS (à l’instar de Schoenberg, Berg, Messiaen et Boulez). En 1987, par l’intermédiaire d’un ami, il découvre notamment le Catalogue d’oiseaux, de Messiaen, dont il laissera une version toujours appréciée.

Carrière confinée

Mais ce goût a un coût : stigmatisé par le régime, Anatol Ugorski est victime d’une lourde réprobation, ainsi qu’il le relatait dans un entretien publié par Télérama en février 1993 : « Tout était soumis à un jeu politique. Au milieu des années 1960, le régime invite Boulez afin de prouver son ouverture. Mais, après l’invasion de la Tchécoslovaquie, la programmation devait tourner autour de la promotion de ce pays. L’Ouest fut à nouveau banni. Restait ce fameux concert de Boulez, contracté bien avant… Alors, évidemment, mon enthousiasme leur a flanqué la migraine. J’ai subi les conséquences de leur dépression nerveuse. »

Sa carrière est confinée : interdit de concert en dehors du bloc soviétique, Anatol Ugorski, qui a épousé la musicologue Maja Elik (créatrice avec lui du Pierrot lunaire de Schoenberg, dont elle interprète la partie vocale), doit se consacrer à l’éducation du peuple. Durant dix ans, il devient pianiste accompagnateur de la chorale des Jeunes Pionniers, jouant pour un public de scolaires dans des provinces reculées (il dira que son meilleur concert Scarlatti a eu lieu devant les enfants de la ville industrielle d’Asbest). Le public plébiscite cependant ses rares concerts privés, et c’est à cette renommée têtue qu’il devra d’être finalement nommé en 1982 professeur de piano au conservatoire de Leningrad.

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