« “Mon petit Truffe, ma grande Scottie”. Correspondance, 1960-1965 », de François Truffaut & Helen Scott, édité par Serge Toubiana, Denoël, 496 p., 24,90 €.
Elle lui écrit d’abord « Mon cher François », s’enhardit à l’appeler « François, my old » puis « Mon cher Truffe », avant de l’apostropher, « François, mon génie, mon héros, la joie de ma vie ! », « Mon François », « Mon trésor », « Mon ange », et même « Truffe de mon cœur ». Il lui répond presque invariablement « Chère Helen », et « Ma grande Scottie » les jours d’effusion. Les formules qui ouvrent les lettres entre François Truffaut (1932-1984) et Helen Scott (1915-1987) pourraient à elles seules faire l’objet d’une publication, tant elles sont inventives et constituent un parfait sismographe de leurs relations.
Miracle : bien au-delà de ces premiers mots, ou des missives déjà connues, toute la correspondance brillantissime échangée de 1960 à 1965 par le génie français du cinéma et sa grande amie new-yorkaise paraît à présent. Un bonheur de lecture, qui permet de suivre les tours et détours d’une palpitante amitié amoureuse, de découvrir une femme exceptionnelle tout en plongeant au cœur de l’« atelier Truffaut » dans une de ses périodes les plus productives.
Tout débute le 19 janvier 1960. Ce mardi-là, le jeune réalisateur débarque à New York pour recevoir le prix du Meilleur Film étranger attribué à son premier long-métrage, Les Quatre Cents Coups. Il est accueilli par Helen Scott, une attachée de presse chargée de promouvoir le cinéma français aux Etats-Unis. « Derrière les vitres de l’aéroport, dès qu’elle le voit descendre de l’avion, elle a le coup de foudre », raconte dans sa préface Serge Toubiana, auteur de L’Amie américaine (Stock, 2020) et éditeur de ce livre. Il a 27 ans. Elle 45. Leur « amitié fusionnelle » durera plus de vingt ans.
Pendant les cinq premières années, qui sont au cœur de ce volume, cette amitié est très déséquilibrée. Helen Scott expédie quatre ou cinq fois plus de lettres qu’elle n’en reçoit. Elle inonde Truffaut de courriers-fleuves où se mêlent, dans un français exquis, déclarations d’admiration et d’affection, informations sur la façon dont les films européens sont reçus aux Etats-Unis, conseils sur la meilleure stratégie pour imposer la Nouvelle Vague au public américain, comptes rendus de son travail, suggestions pour les projets de films en cours, confidences sur ses chefs pénibles et ses boyfriends défaillants, offres de service pour venir œuvrer à ses côtés à Paris, quitte à changer de métier. Très vite, un rituel s’impose : elle commence ses envois par de délicieuses récriminations sur le fait qu’il la laisse presque sans nouvelles et ne lui parle que business, il répond par quelques excuses, promet de se montrer plus prolixe… et enchaîne sur les sujets professionnels qui le préoccupent.
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