Marin Karmitz, fondateur des cinémas MK2 : « Je me sens comme un résident étranger »

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Marin Karmitz, né en Roumanie, en 1938, devenu réalisateur puis distributeur et producteur, après des débuts rocambolesques et militants, s’est taillé une part de lion dans l’industrie du cinéma. Aujourd’hui, il se consacre à sa fabuleuse collection d’art, en particulier de photos, en homme d’images qu’il a toujours été.

Je ne serais pas arrivé là si…

Cette question m’évoque une image : celle d’un grand bateau blanc et d’une traversée qui m’a semblé interminable du haut de mes 9 ans. Je ne serais pas devenu qui je suis si, avec mes parents et beaucoup d’autres familles juives, je n’étais pas monté sur ce navire à Constanta, en Roumanie, en 1947, en espérant qu’un pays veuille bien nous accueillir. Cet exil, qui a brisé la vie de mon père pour toujours, m’a permis de changer de vie, de découvrir un autre monde, une autre langue, d’apprendre à lire et à écrire aussi puisque en Roumanie les juifs avaient été interdits d’école pendant la guerre.

Vous aviez traversé les horreurs de la guerre, pourquoi tout quitter en 1947 ?

Avec l’arrivée des communistes au pouvoir, ma famille risquait la prison car, en plus d’être juifs, ce qui restait mal vu, ils étaient capitalistes. Ils devaient donc partir pour sauver leur peau. Mener ce projet à bien a été difficile.

Pour pouvoir quitter la Roumanie, il fallait payer, et très cher. Mon père et ses frères ont dû donner tout ce qu’ils possédaient. Nos maisons, l’entreprise familiale, nos meubles ont été saisis par le Parti communiste en échange de passeports. Nous sommes partis sans rien. On nous a tout pris, même le petit collier que ma sœur de 4 ans portait autour du cou. Nous n’avions pas le droit de dire que nous nous en allions. On nous a mis en cachette dans un train de nuit aux vitres calfeutrées, car le régime craignait que le départ de ma famille suscite une grande inquiétude, voire une panique. Les Karmitz étaient en effet les plus gros importateurs de médicaments et de produits chimiques dans les pays des Balkans qui risquaient la pénurie.

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Comment avaient-ils fait fortune ?

Mon grand-père était un marchand des quatre-saisons qui vendait du fromage dans la rue et est devenu le plus gros fromager de Bucarest, un commerçant prospère donc. Il avait huit enfants. Son fils aîné, Isidore, était contrôleur dans le train qui allait de Paris à Bucarest en passant par Vienne. Il ramenait des médicaments en contrebande. Comme il avait de plus en plus de commandes, il a créé une officine où il a embauché chacun de ses frères. En peu de temps, elle s’est transformée en une très grosse entreprise. C’est ainsi que mon père est devenu riche.

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