« L’Histoire de ma femme », sur Ciné+ Club : Jakob et Lizzy, d’amour et d’eau de mer

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CINÉ+ CLUB – SAMEDI 4 MARS À 20 H 50 – FILM

Il y a un demi-siècle, en Europe, le service public (de la télévision, à l’Ouest, du cinéma, à l’Est) produisait des objets qui ressemblaient – de loin – à L’Histoire de ma femme, adaptation littéraire d’un classique de la littérature hongroise signé Milan Füst, publié en 1942 : l’histoire de l’amour qui unit et sépare un capitaine au long cours néerlandais et une mondaine parisienne.

Photographiée avec délicatesse par le chef opérateur Marcell Rév, la reconstitution de la Mitteleuropa des années 1920 est exquise mais légèrement décalée, les péripéties sont égrenées sans hâte par des acteurs toujours justes. S’en tenir à ce vernis serait passer à côté de ce qui fait la grandeur du film, dont le blason est placardé à l’orée du récit : des plans de baleines qui filent sous les flots à la surface desquels navigue le capitaine Jakob Störr (Gijs Naber).

Ce que filme vraiment Ildiko Enyedi, c’est ce qui se trouve en dessous – des apparences, des mots, des gestes et des actes, même. Quelque part, dans les profondeurs du bref bonheur et du long malheur du capitaine, Jakob, et de la mondaine, Lizzy (Léa Seydoux), se trouvent les causes profondes de la guerre entre les hommes et les femmes. Ce que l’on prenait pour une romance sage est en fait une épopée martiale, sensuelle et déchirante.

Immense inventivité

Pour se débarrasser de « la maladie du marin », Jakob, un colosse barbu qui a gardé quelque chose d’enfantin dans le visage et le regard, fait le pari avec l’escroc Kodor (Sergio Rubini) qu’il épousera la première femme qui franchira le seuil du café où les deux hommes boivent. Kodor parti, Jakob se dirige vers la table de l’élue, qu’il n’a vue que de dos. Chance. Quand elle tourne la tête, elle a le visage de Léa Seydoux. Lizzy est une femme radieuse, que rien ne surprend, même pas la demande en mariage qui suit de quelques secondes sa rencontre avec le marin.

D’elle, on ne saura même pas le patronyme de naissance, encore moins ce qui l’avait menée dans ce port. Mais Jakob est un homme qui veut comprendre et dominer ce qu’il aime. A cette demande, Lizzy répond laconiquement, par des conseils et des observations sibyllins que son époux s’échine à déchiffrer. La beauté du film tient en grande partie à la noblesse de cet effort. Gijs Naber, qui est de presque tous les plans, ne cache rien des défauts de son personnage, mais on retiendra surtout l’amour presque infini qu’il porte à cette femme que le hasard a mise sur son chemin. Tout est dans le « presque ».

Si Léa Seydoux préserve jalousement le mystère de Lizzy, elle ne cache rien, ni de son amour de la vie ni de son désir de liberté. Elle voudrait être libre pour mieux aimer l’homme qu’elle a choisi. Outre la qualité de l’écriture cinématographique, d’une immense inventivité, c’est la lumière portée par l’actrice sur ce récit qui fait la beauté de L’Histoire de ma femme.

L’Histoire de ma femme, d’Ildiko Enyedi. Avec Léa Seydoux, Gijs Naber, Louis Garrel, Sergio Rubini, Jasmine Trinca (Hong., All., 2022, 169 min).

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