« Tout le monde doit payer des impôts ! Payer des impôts, c’est normal ! », déclarait, peu de temps avant sa mort, Sylvia Wildenstein dans un entretien accordé en 2009 à l’émission « Pièces à conviction ». Il semble que son mari, Daniel (1917-2001), marchand d’art, ses beaux-fils, Alec et Guy, et sans doute une bonne partie de leurs ancêtres – la galerie Wildenstein & Cie a été fondée en 1890, à Paris –, voire de leurs derniers descendants, n’étaient pas de cet avis.
Convaincu qu’ils ont fraudé – sur plusieurs générations ! –, le fisc français réclame aux derniers survivants du clan des sommes colossales. Leurs complices présumés, avocat, notaire, trustees (administrateurs) des sociétés ouvertes par eux dans des paradis fiscaux, encourent des amendes qui ne le sont pas moins, et des peines de prison dans certains cas. Leur procès – ce n’est pas le premier ni sans doute le dernier – s’ouvre le 18 septembre devant la cour d’appel de Paris et durera jusqu’au 4 octobre.
Dans les années 1950, lorsque le nom des Wildenstein était évoqué dans Le Monde, c’est plus souvent pour leur écurie de chevaux de course que pour leur activité de marchands de tableaux, sur laquelle ils sont traditionnellement plus discrets, même si elle est à l’origine de leur fortune. Le premier article d’importance à être consacré à cette part de leur vie date de 1961. Il est signé d’André Chastel, qui fut l’un des plus grands historiens d’art français, et étrille les liens que noue alors la galerie Wildenstein & Cie avec le Musée Jacquemart-André, à Paris. Jouant les cassandres, il y prédit l’élection de Georges Wildenstein (1892-1963), le patriarche de l’époque, à l’Institut de France, dont dépend le musée : elle aura lieu deux ans plus tard… Las, l’impétrant décède trois mois après.
Course d’obstacles
Son fils Daniel lui succède. Il se révélera un redoutable commerçant. « Il achetait des tableaux à contre-courant, à des prix bas, les mettait de côté, faisait faire un gros travail de recherche dessus, avant de les revendre beaucoup plus cher », raconte l’expert Eric Turquin. Les Wildenstein ont ainsi acquis une toile de Fragonard représentant saint Pierre dans une vente non cataloguée, sans la moindre référence, autour de 1 million de francs, puis l’ont fait authentifier avant de la proposer, trente ans plus tard, sur leur stand à la foire de Maastricht (Pays-Bas), pour 15 millions d’euros. Daniel, qui a tous les attributs du notable, siège lui aussi à l’Académie et prend les rênes de l’écurie de course familiale.
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