Le renchérissement des cachets des artistes du « live » complique l’équation économique des petits festivals comme celle des salles dont la jauge est très contrainte. « Notre budget artistique, cantonné à 200 000 euros en 2019, est passé à 300 000 euros », explique Lisa Belangeon, coordinatrice du festival Au foin de la rue, en Mayenne. La situation réduit le choix d’artistes, ou oblige à raboter ailleurs. Christian Allex, programmateur du festival Le Cabaret vert, à Charleville-Mézières, déboursera 500 000 euros pour un concert de Calvin Harris à l’affiche. « C’est un choix. Je perdrai de l’argent cette journée-là, mais je garderai une programmation plus familiale, moins onéreuse le dimanche », dit-il.
Son confrère Stéphane Krasniewski, directeur du festival Les Suds, à Arles (Bouches-du-Rhône), avoue aussi être coincé entre le marché qui se tend, les recettes contraintes par sa capacité à accueillir au maximum six mille personnes, ses cachets limités à 60 000 euros. Et encore, il rappelle que la facilité du recours aux bénévoles en France et les subventions publiques lui permettent de pratiquer des tarifs accessibles.
Forcer sur le prix des billets
C’est bien l’une des difficultés majeures rencontrées aussi par ses confrères ou les patrons de petites salles. Forcer sur le prix des billets pour compenser les cachets toujours plus hauts des artistes risque de décourager le public. Le Centre national de la musique a d’ailleurs souligné que le retour des spectateurs depuis la fin du Covid-19 restait timide dans les petits lieux de concert. Yann Rivoal, directeur de La Vapeur, à Dijon, ne cache pas ses problèmes : « Je suis désormais obligé de remplir totalement la salle pour pouvoir équilibrer mes comptes. Il est évident que pour certains concerts je perds de l’argent. »
Chacun se débrouille. A la tête du Printemps de Pérouges (Ain), Marie Rigaud s’est offert Juliette Armanet le dimanche 2 juillet. Elle comprend que sa cote monte et paie le prix. « Son live est excellent, elle ne se ménage pas, sait se montrer généreuse », assure-t-elle.
Mais l’or ne fait pas tout, et la relation personnelle entre programmateurs et artistes reste parfois essentielle. C’est uniquement parce qu’ils se connaissent de longue date que Dominique Delorme, directeur des Nuits de Fourvière, a pu faire venir à Lyon Sting, Nick Cave ou encore Damon Albarn à des tarifs encore possibles. En contrepartie, il a coorganisé pour ce dernier une tournée de Blur, à Londres au Barbican et à New York au Lincoln Center, avec les musiciens maliens qu’il affectionne. L’unique moyen d’« emporter le morceau ».