Les haïkus en papier de Thomas Demand

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Il y a quelque chose de familier et de dérangeant dans les images de Thomas Demand. C’est d’ailleurs sa marque de fabrique : l’artiste construit des maquettes de papier à taille réelle, qu’il photographie ensuite pour produire des images qui hésitent entre le vrai et le faux. Leur vraisemblance nous attire, leur artificialité nous repousse, et cet entre-deux inhabituel nous force à réfléchir à ce qui est sous nos yeux.

Pour sa série The Dailies, qu’il expose dans la magistrale rétrospective à voir actuellement au Jeu de Paume, à Paris, l’artiste allemand délaisse pour une fois les images chargées d’histoire et d’actualités trouvées dans la presse, pour se concentrer sur des sujets mineurs, et surtout sur des images triviales. Celles que tout un chacun peut prendre avec son téléphone, pour pointer les détails qui ponctuent sa journée.

Des aventures du quotidien

Des mégots plantés dans un cendrier rempli de sable, une laisse pour chien rose pétard enroulée autour d’un poteau, une pile de courrier qui s’amoncelle devant une porte… Rien de tout cela n’a vraiment d’importance, mais ces petites images sont devenues nos aventures du quotidien, et une façon de raconter nos vies. « Vous marchez sur un chewing-gum, raconte l’artiste. Hop, vous prenez une photo que vous envoyez à votre petit ami, pour lui dire que vous devez rentrer à la maison changer de chaussures. Ces images sont devenues plus importantes que les mots pour communiquer. »

« Dans la plupart de mes images, il y a un contexte, un événement, une référence. Ici, il n’y a rien d’autre à savoir que ce qui est sous vos yeux. » Thomas Demand

Par ces délicats monuments de papier, Thomas Demand salue ainsi le bouleversement majeur qu’a traversé la photographie ces dernières années. « Jusqu’à récemment, c’était les photographes professionnels qui produisaient la version officielle des choses, qui tenaient le calendrier des beautés du monde. Aujourd’hui tout le monde est photographe, et avec les réseaux sociaux, nous sommes tous devenus des émetteurs et des récepteurs. » L’artiste souligne pourtant combien cette part essentielle de la photographie passe aujourd’hui sous les radars, trop minuscule pour figurer dans les journaux ou à la télévision.

Il a donc voulu se pencher sur ces images qui, contrairement à celles qu’il réalise d’habitude, « ne racontent pas d’histoire ». « Dans la plupart de mes images, il y a un contexte, un événement, une référence. Ici, il n’y a rien d’autre à savoir que ce qui est sous vos yeux. » L’artiste a moins voulu les rendre précieuses qu’arrêter le temps, transformer ces instantanés réalisés et envoyés en une fraction de seconde en un objet durable, qui arrête le regard.

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