« Les Fantômes de l’hystérie », sur France Culture : une histoire de la rhétorique antiféministe

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FRANCE CULTURE – VENDREDI 17 MARS –SÉRIE AUDIO

Productrice déléguée à la matinale des samedis sur France Culture, Pauline Chanu a plus d’un tour dans sa besace de documentariste radio. Elle le montre encore aujourd’hui avec sa série « Les Fantômes de l’hystérie. Histoire d’une parole confisquée ». En quatre épisodes riches et édifiants, elle raconte l’histoire, longue (puisqu’elle commence à l’Antiquité) et violente des persistances de l’hystérie, qui « continue de nourrir la misogynie et de hanter la médecine, la psychiatrie, la psychanalyse, la politique, la justice et nos représentations ».

Episode 1 : « La matrice du mal ». C’est l’histoire d’un terme mal défini. C’est l’histoire de tous les traitements et remèdes violents qui, sous couvert de ce mot, ont été imposés aux femmes et qui vont de l’assignation au mariage à l’enfermement en passant par des interventions sur le clitoris et les ovaires. C’est l’histoire de toutes celles dont les douleurs n’ont pas été entendues. C’est aussi l’histoire de cette femme qui témoigne et raconte que ce terme lui a valu sept ans d’errance diagnostique avant d’être finalement reconnue épileptique.

A l’épisode suivant, Pauline Chanu revient sur la prise en charge des « hystériques » par la psychiatrie et la psychanalyse au XIXe (par le professeur Charcot et Freud) puis au XXe siècle, et c’est aussi passionnant qu’édifiant. L’épisode 3 rappelle comment la stigmatisation des femmes comme « hystériques » est une constante de la rhétorique antiféministe. Et de repasser un extrait du débat du second tour de la présidentielle en 2007 entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal à laquelle le candidat de droite lance : « Calmez-vous. »

Parole et censure

Au dernier épisode, alors que sont convoquées Sylvia Plath, Anne Sexton ou encore Camille Claudel, l’écrivaine Hélène Frappat décortique le film Gaslight, réalisé par George Cukor en 1944, dans lequel un homme accuse sa femme de perdre la tête et arrive à l’en faire douter. Car, et c’est la question que Pauline Chanu pose alors : comment cesser de croire à ces fictions et sortir de la maison hantée ?

Pour cette série, sur laquelle elle a commencé à travailler il y a un peu plus d’un an, Pauline Chanu a fait appel à de nombreux médecins, aux historiennes Nicole Edelman (autrice des Métamorphoses de l’hystérique. Du début du XIXe siècle à la Grande Guerre, La Découverte, 2003) et Yannick Ripa (autrice notamment de La Ronde des folles. Femme, folie et enfermement au XIXe siècle, Aubier, 1985) ou encore à la parole du docteur en sociologie Pierre-Guillaume Prigent.

« Je pense que ce qui m’intéresse, c’est la question de la prise de parole, les conditions pour que cette parole soit entendue et crue, la censure et l’autocensure. Et l’hystérie, c’est précisément la question de la censure, de la parole confisquée », ajoute Pauline Chanu qui a récemment signé un documentaire sur Olympe de Gouges et est l’une des coautrices de la série Laisse parler les femmes.

Disons enfin que ce documentaire est particulièrement bien mis en ondes par Annabelle Brouard, que le tissage entre les témoignages, interviews et lectures (notamment du texte de Monique Wittig, Les Guérillères, éd. de Minuit, 1969) est très réussi.

Les Fantômes de l’hystérie, de Pauline Chanu, réalisé par Annabelle Brouard (Fr., 2023, 4 X 57 min). A retrouver dans LSD La série documentaire sur France Culture et sur toutes les plates-formes d’écoute habituelles.

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