« Les Eclats : Bret Easton Ellis retourne au paradis de l’adolescence

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« Les Eclats » (The Shards), de Bret Easton Ellis, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Guglielmina, Robert Laffont, « Pavillons », 616 p., 26 €, numérique 18 € (en librairie le 16 mars).

Je est un autre – et pourtant. A quel point Bret Ellis, le personnage, emprunte-t-il à BretEaston Ellis, l’auteur du célèbre American Psycho (Salvy, 1992, adapté au cinéma en 2000 par Mary Harron) ? « A l’exception de l’auteur lui-même, toute ressemblance avec des personnes vivantes ou mortes est une pure coïncidence et n’a pas la moindre réalité », rappelle-t-on, à la toute fin du livre, après une succession d’intrigues et de scènes tour à tour trop romanesques et bien senties pour être honnêtes. Dès les premières pages, la confusion est manifeste, entretenue, la faute à une sorte de prologue dont on ne sait qui, du narrateur ou de l’auteur, en est la voix, justement.

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Mais dans ce roman, qui marque le grand retour à la « fiction » d’un écrivain confirmé et plus jeune que jamais, plutôt que d’autofiction, c’est d’un jeu sur les fictions de soi qu’il s’agit – celles que l’on construit, que l’on fantasme, notamment à la fin de l’adolescence.

Les Eclats s’ouvre sur ce vide – consternant, dérisoire – à remplir, cette inconsistance ou cette inconscience qui habite ses personnages : Bret Ellis, le narrateur, mais également sa petite amie, Debbie (« Sorte de fantasme pour adolescent à peine pubère »), son amant Matt (« Il paraissait ne pas être conscient de son environnement »), ses amis Thom (« Il y avait chez lui un vide intrigant, à la fois attirant et reposant ») et Susan, tous filles et fils de familles fortunées, en terminale à Buckley, institution très chic de Los Angeles. Leur existence grégaire, frivole, que le sexe, la drogue, l’alcool, les soirées, les films, les livres suffisent à combler, prend pourtant un tour plus sombre quand, à l’automne 1981, un nouvel élève surgit : Robert Mallory, mystérieux et inquiétant. Au même moment, les pages de journaux se remplissent des exploits horrifiques d’un tueur en série qui nargue la police, le « Trawler » (« chalutier »), dont les macabres mises en scène accompagnent le narrateur et ses amis dans leur passage à l’âge adulte – la ­corruption du réel faisant ici écho à leurs désillusions, aux masques de l’enfance qui tombent, un à un.

Un étonnant mélange

Auteur culte, immensément célèbre depuis le succès d’American Psycho et de Moins que zéro (Christian Bourgois, 1986, adapté au cinéma par Marek Kanievska en 1987), Bret Easton Ellis, né en 1964, aura attendu une quarantaine d’années pour recommencer et, cette fois terminer, le grand roman dont il avait eu l’idée au sortir de l’adolescence.

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