Elle s’est choisi Shygirl comme nom de scène, mais Blane Muise, 29 ans, n’a rien d’une fille timide. L’Anglaise est même plutôt loquace quand il s’agit de détailler son processus créatif. Le 14 avril, elle rééditera son premier album, Nymph (sorti en septembre 2022), plébiscité par la critique et ses pairs, tant sa musique est une collision de styles, trip-hop, pop, new R’n’B, électro, le tout tenu par sa voix épurée. Fin janvier, elle participait au titre Ovule avec l’idole de son enfance, l’Islandaise Björk, remixé par son complice, le producteur Sega Bodega.
« Aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir rencontrer beaucoup de mes sources d’inspiration, comme Madonna et Björk, qui se sont impliquées dans ma musique. Je ne pensais pas que cela aurait pu être possible. » Blane Muise, alias Shygirl
Un mois plus tard, elle sortait son morceau Heaven avec l’Américaine Tinashe, peu avant de prendre la route pour une tournée américaine dans une quinzaine de grandes villes. Rihanna l’avait repérée depuis longtemps, utilisant régulièrement les morceaux de son label, Nuxxe, pour des spots publicitaires et des défilés de sa marque de cosmétiques, Fenty Beauty. Même l’icône trinidadienne n’impressionne pas plus que ça Shygirl : « Je ne l’ai pas encore rencontrée, dit-elle, détachée, je laisse les choses se faire naturellement. »
Le 10 décembre 2022, Shygirl jouait au Trianon, dans le 18e arrondissement de Paris. Sur scène, un grand miroir concave la surplombait : « Longtemps, explique-t-elle, j’ai cherché à créer une scénographie où je pouvais impliquer mon public. J’ai donc ce matériau réfléchissant au-dessus de moi pour que les spectateurs puissent se voir et que cela ait l’air aussi très dangereux. Il donne l’impression de me tomber dessus en permanence. Et je voulais cette tension. »
Le goût de la poésie
Ancienne étudiante en photographie à l’université de Bristol, où elle a beaucoup fait la fête, pour n’en travailler que mieux, trois jours par semaine, à Londres, comme stagiaire dans une agence de design, Shygirl prétend que sa musique n’est que la somme de tous ses centres d’intérêt. « Mon interaction avec l’art a commencé quand je suis entrée dans les galeries qui se trouvaient sur mon chemin, à Londres, pour regarder les peintures exposées ; elle s’est poursuivie avec la vision de films, où j’étudiais comment la bande-son et l’image se combinaient parfaitement pour qu’on saisisse l’émotion de l’histoire. »
Pendant longtemps, elle ne s’imagine pas chanteuse mais poète. Le goût de la poésie lui est venu de la lecture d’un recueil offert par son grand-père, et de celle de l’écrivain Thomas Hardy. Quand elle rencontre son complice, Sega Bodega, en 2016, c’est ainsi un morceau de spoken word que le producteur lui demande d’enregistrer. L’exercice lui plaît, et elle se prend au jeu. Mais la musique est là, depuis toujours.
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