OCS PULP – MARDI 12 SEPTEMBRE À 21 H 00 – FILM
Sur un rythme apaisé, élégiaque, Leave No Trace est une ballade qui célèbre et déplore la fin de l’enfance, un duo pour fille adolescente et père meurtri qui fait son œuvre si patiemment, si délicatement, qu’on n’en découvrira les effets durables que longtemps après l’avoir vu.
Will (Ben Foster) et Tom (Thomasin McKenzie) vivent au fond des bois d’un parc national voisin de Portland (Oregon). Will n’a rien d’un patriarche. Ancien combattant d’une de ces guerres sans fin que livre son pays contre le reste du monde, Will est tout simplement incapable de supporter le commerce de ses semblables – à une exception, sa fille. De leur épouse et mère, il ne reste que des souvenirs, évoqués laconiquement. Rien d’autre n’existe que leur côte-à-côte.
La première partie du film est brève : Debra Granik y met en scène l’existence de cette famille des bois. Tom a profité des talents acquis par son père sous les drapeaux : s’abriter, se nourrir, se cacher. Elle s’applique à mettre en pratique ces leçons avec une sagesse que connaissent peu d’adultes.
De temps à autre, ils vont à la ville, toucher la pension d’ancien combattant de Will, retirer les médicaments psychotropes qu’on lui a prescrits, qu’il revend. Mais cette idylle verte est brutalement interrompue par les rangers du parc, auxquels succèdent bientôt les services sociaux. L’interpellation de Will et Tom finit d’installer le film sur sa trajectoire très particulière.
Robinsons de la forêt
Le père et la fille ont beau avoir traversé d’épouvantables malheurs (la guerre, la mort de la mère), leur histoire ne sera pas une tragédie. Les rangers procèdent avec courtoisie, les travailleurs sociaux font preuve de considération pour l’enfant et le vétéran. Debra Granik les observe avec un souci presque documentaire, plein d’empathie, qui réapparaîtra au chapitre suivant : les robinsons de la forêt sont placés dans une plantation de sapins de Noël, près de laquelle vit un sympathique adolescent, dont le hobby est de présenter son lapin familier dans des concours de beauté.
Passé le plaisir de découvrir ces recoins du paysage américain, Debra Granik assène délicatement le coup : Will a beau travailler au bonheur des enfants, Tom a beau s’être attachée au plus rassurant des teenagers, il reste entre ce monde et leur famille un fossé que le patriarche se refuse une nouvelle fois à combler, alors que sa fille voudrait le franchir une fois pour toutes. Leave No Trace sera moins l’histoire d’une cavale que celle du passage d’une enfant à l’âge de femme.
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