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« Etre gay, c’est un fait », résume le réalisateur québécois Xavier Dolan (J’ai tué ma mère, 2009, Laurence Anyways, 2012). « On l’est : c’est-à-dire qu’on le devient, mais on l’a toujours été. » Quand le coming out, d’identité sexuelle ou de genre, ne sera plus nécessaire ? Au micro de Julia Layani et Elise Goldfarb, entrepreneuses à la tête de l’agence de communication Elise & Julia, personnalités et anonymes LGBTQIA+, se confient sur ce moment qui a changé leur vie. La troisième saison, en cours, est dédiée à Lucas, ce collégien de 13 ans qui s’est suicidé en janvier, cible de moqueries et d’insultes à caractère homophobe.
Si la majeure partie des invités sont des personnalités du monde de la musique (Eddy de Pretto, Bilal Hassani, Lala &ce, Kiddy Smile), de la télévision (Christophe Beaugrand, Marc-Olivier Fogiel, Laurent Ruquier), de la politique (Mounir Mahjoubi, Clément Beaune, Alice Coffin), ou des influenceurs (Fabian CRFX, Elise Heb), les deux lesbiennes ont également recueilli le récit de quelques anonymes. Ainsi l’histoire captivante de Marie-Clémence Bordet-Nicaise, issue d’une famille catholique conservatrice, que le désir d’enfant a conduite en Espagne pour pratiquer une PMA. Ou celle, très intense, de Clovis, trans, Noir et excommunié parce qu’en transition.
Toutes les générations parlent d’abord des premiers émois, de la révélation à soi-même, comme une mauvaise nouvelle dans un monde hétéronormé. Viennent ensuite la nécessité de dire, un fardeau, et une deuxième naissance, le prix de la liberté d’être soi. Puis il faut traverser la banalité de l’homophobie − parfois conjuguée au racisme et/ou à la misogynie −, l’intériorisation de celle-ci avec le cortège des traitements cruels qu’on inflige aux autres ou à soi-même, le poids de la religion ou des traditions de sa famille, pour oser imaginer une existence qui ne serait plus rétrécie par le poids du secret, de la honte, de la culpabilité.
Une myriade de représentations
Les invités déplient les apprentissages, les espaces interlopes et ce que ce parcours implique dans leur itinéraire sexuel et sentimental. « J’avais tellement peu de considération pour mon corps que j’en faisais n’importe quoi », glisse Augustin Trapenard avant d’aborder la question du consentement.
Chaque histoire, que les aspirations universelles de leurs protagonistes n’empêchent pas d’être unique, forme finalement une myriade de représentations, bien vivantes, diverses, bouleversantes et nécessaires. « A mon époque, les représentations à la télévision ou d’Hollywood mêlaient l’homosexualité au sida, au suicide, ou bien les personnages gays étaient dans un rôle de faire-valoir, standardisé et accessoirisé, ce qui laissait peu de place à l’identification », raconte Xavier Dolan. Ces récits composent, au contraire, un cercle vertueux du coming out, sur lequel l’auditeur pourrait prendre appui pour s’identifier et, à son tour, prendre la parole. Ou simplement comprendre.
Le podcast, qui compte déjà près de quarante épisodes, donne à écouter le contrechamp de ces narrations, dans cinq épisodes hors série où l’on entend des parents raconter leur version de ce moment (et un premier récit de personne née par PMA). Un regret, cependant : une forme presque un peu trop brute, faite de la voix de l’invité et de quelques virgules musicales. Reste que ce minimalisme sert l’écoute de cette série, pensée comme un outil d’émancipation.
Coming out, série documentaire de Julia Layani et Elise Goldfarb (Fr., 2020 et en cours, de 26 à 72 min). Disponible à la demande sur Spotify.