Sa petite taille, son allure joviale et son exceptionnelle longévité artistique − plus de soixante-dix ans de carrière − en avaient fait ces dernières années la mascotte du public et des scènes musicales : le pianiste Menahem Pressler, cofondateur du célèbre Beaux Arts Trio, considéré comme le plus important trio avec piano du XXe siècle, est mort, samedi 6 mai, à Londres à l’âge de 99 ans. Depuis la dissolution de sa triade de musique de chambre en 2008, dont il était de facto le doyen, le musicien avait renoué avec la carrière de soliste de ses débuts.
Né le 16 décembre 1923 à Magdebourg, en Saxe-Anhalt (Allemagne), dans une famille juive de la moyenne bourgeoisie (son père possédait un atelier et une boutique de tissus), le jeune Menahem avait commencé le violon avant de choisir le piano. Il a 10 ans lorsque les nazis obtiennent la majorité au Reichstag, en 1933, et se souviendra toute sa vie de la Nuit de cristal (9 novembre 1938) qui décida de l’exode familial en Palestine, alors sous protectorat anglais. « C’est là-bas que je suis véritablement devenu un homme, d’adolescent que j’étais. Je me suis forgé une discipline, une éthique, des valeurs aptes à me guider pour la vie », dira le pianiste dans un entretien accordé à Frédéric Gaussin, disponible sur le site Jejouedupiano.com, précisant que le reste de sa famille, grands-parents, oncles, tantes et cousins, étaient tous morts à Auschwitz.
A Tel-Aviv, Menahem Pressler suit les cours d’Eliahu Rudiakov (1907-1969) et de Leo Kestenberg (1882-1962), alors directeur du futur Orchestre philharmonique d’Israël avec lequel il se produit en concert. En 1946, au lendemain de la seconde guerre mondiale, le jeune homme, fraîchement marié, décide d’émigrer aux Etats-Unis pour lancer sa carrière.
Il remporte à San Francisco le premier prix au Concours international Debussy, ce qui lui permet de faire ses débuts au Carnegie Hall dans le Concerto pour piano et orchestre, de Schumann, sous la baguette d’Eugene Ormandy (1899-1985) à la tête de l’Orchestre de Philadelphie. Il effectue dès lors de nombreuses tournées en Amérique du Nord ainsi qu’en Europe avec les orchestres de New York, Chicago, Cleveland, Pittsburgh, Dallas, San Francisco, Londres, Paris, Bruxelles, Oslo, Helsinki et bien d’autres.
En Amérique, il rencontre Franz Werfel, Thomas Mann, Arnold Schönberg, Igor Stravinsky, Franz Wachsmann, Alma Mahler, le pianiste Egon Petri, avec lequel il étudie, l’espace d’un été, au Mills College d’Oakland, et surtout Eduard Steuermann, élève du grand pianiste et compositeur Ferruccio Busoni, qui exerce sur lui une influence décisive. Toute sa vie, Pressler se sentira dépositaire de ce précieux héritage. « Ma carrière a suivi son cours pendant quelques années, continue Pressler. J’avais gravé quelques disques en solo pour la MGM − Schumann, Prokofiev, Chostakovitch, Ernst Bloch, Milhaud… − et je souhaitais enregistrer un peu de musique de chambre. Je pensais à un trio de Mozart, mais n’appartenais à aucun ensemble constitué. »
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