« Le Mal algérien », de Jean-Louis Levet et Paul Tolila : dans le labyrinthe de l’Algérie contemporaine

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« Le Mal algérien », de Jean-Louis Levet et Paul Tolila, Bouquins, « Essai », 384 p., 21 €, numérique 14 €.

Un ouvrage de plus à caser dans les rayons engorgés de la ­littérature sur les pathologies algériennes ? A première vue, on se demande bien ce que Le Mal algérien, de Jean-Louis Levet et Paul Tolila, pourrait apporter de neuf à la somme des radiographies déjà disponibles sur le sujet.

De la captation de l’Etat par l’armée, héritage empoisonné de la guerre d’indépendance (1954-1962), à la corruption endémique, en passant par le bureaucratisme kafkaïen, l’autoritarisme récurrent, le cynisme des élites, la dramaturgie mémorielle, l’impasse de la rente pétrolière, l’étouffement de la ­jeunesse et le salut par l’émigration, le grand corps malade qu’est l’Algérie ne manque pas de bulletins cliniques. Symptômes connus, ordonnances à foison. Et pourtant rien ne change : le patient n’en finit pas de s’anémier. Le Hirak protestataire de 2019, réprimé, n’aura pu provoquer la rémission espérée.

Si le nouveau diagnostic offert par Jean-Louis Levet et Paul Tolila vaut le détour, c’est qu’il n’a pas été dressé dans un cabinet. Il est le fruit d’une immersion physique. Le Mal algérien est un récit de voyage politique, le carnet d’une exploration migraineuse du labyrinthe administratif algérien autant que d’une fréquentation empathique des forces vives du pays (jeunes, entrepreneurs, etc.). Les deux auteurs sont des experts que Paris avait mandatés en 2013 pour une mission de coopération « technologique et industrielle » avec l’Algérie. De l’opérationnel dur, en somme, très loin des incantations d’estrades ministérielles.

La logique prébendière

Et c’est bien cette praxis qui confère sa saveur à l’ouvrage. Les anecdotes fourmillent sur les rendez-vous avec des ­ministres algériens dont la pompe rhétorique n’a d’égal que la vacuité de l’action. La valse des strapontins au rythme des règlements de comptes au sein de l’appareil ne sera pas le moindre des défis qu’aura à affronter la mission. Un rocher de Sisyphe à remonter stoïquement à chaque purge.

Au fil de leurs visites, les deux auteurs découvrent un « chaos administratif » où la logique prébendière a tout contaminé. La schizophrénie y règne à grande échelle. Quel crédit en effet accorder aux trompettes patriotiques alors que « la rente mère » des hydrocarbures et ses « rentes filles » variées ont sacrifié l’industrie et l’agriculture ? Les revenus du pétrole et du gaz financent aujourd’hui une économie d’importations, enchaînant le pays à la conjoncture mondiale. « Nous importons même du sable ! », s’était étonné, en 2020, le président Abdelmadjid Tebboune.

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