« Le Grand Feu », de Léonor de Récondo : la petite violoniste vénitienne

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Sélectionné pour le Prix littéraire « Le Monde »

« Le Grand Feu », de Léonor de Récondo, Grasset, 224 p., 19,50 €, numérique 14 €.

Musicienne accomplie et écrivaine talentueuse, Léonor de Récondo fait feu de ses deux passions dans son dixième livre, Le Grand Feu, roman de toute beauté. A Venise, au XVIIIsiècle, la Pietà, un établissement de charité, accueillait les petites orphelines et, tel un conservatoire, leur offrait les meilleurs maîtres de musique. De toute l’Europe, on venait pour écouter chanter le chœur des jeunes filles vêtues de blanc, cachées derrière des grilles ouvragées. On croyait, disait-on alors, entendre « la voix des anges ».

Dans la Venise qui avait été frappée par la peste, « on s’aimait avant de mourir ». Le roman commence par une naissance, le 31 mai 1699. Francesca et Giacomo Tagianotte, marchands d’étoffes, ont perdu trois de leurs enfants, mort-nés. Francesca est sûre qu’Ilaria, la sixième, qu’elle vient de mettre au monde, vivra, chantera, et que sa voix les pré­cédera au paradis. C’est pourquoi elle insiste pour lui obtenir une place à la Pietà, grâce à sa cousine Bianca, qui en est la gardienne.

Ainsi commence le roman d’apprentissage d’Ilaria qui, en brefs chapitres, retrace seize années de vie. Que fera-t-elle ?, se demande Bianca. Dans cette ville où, à l’écart du carnaval, « on entend le silence et la nuit », les jeunes filles ne quittent la Pietà que pour se marier ou rejoindre un couvent. Mais Ilaria a découvert la musique grâce au nouveau « maestro di violino », Antonio Vivaldi (1678-1741), qu’on surnomme « le prêtre roux ». Il arrive en 1703 à la Pietà, dont il assurera la gloire. ­Ilaria est alors trop petite pour apprendre le chant. Il l’incite, en lui présentant un petit violon, à faire entendre sa « voix d’or » par cet instrument.

Pouvoir d’un simple son

Violoniste virtuose, Léonor de Récondo s’est d’abord consacrée à la musique baroque, participant aux meilleurs ensembles, et en créant un, L’Yriade. Cela avant de commencer une carrière de romancière avec La Grâce du cyprès blanc (Le Temps qu’il fait, 2010). Evoquant l’initiation au violon d’Ilaria, elle fait donc appel à sa propre expérience, émotionnelle et sensorielle : « Le premier cours de violon, c’est le début d’une vie nouvelle, sans qu’on le sache. » Avant de pouvoir « donner chair à la musique », Ilaria a dû apprendre la ­rigueur que Giulietta transmet à chacune de ses petites élèves. « Dévotion et respect », répète-t-elle. Mais, à 13 ans, premier ­concert : « Faisceaux de musique qui se rassemblent et s’embrasent. » Pouvoir d’un simple son. Vibration qui ne s’éteint jamais.

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