FRANCE INTER − À LA DEMANDE − SÉRIE PODCAST
François Pérache et Cédric Aussir sont de retour et pour le meilleur, dans l’émission « Affaires sensibles ». Après 57, rue de Varenne (l’excellente série politique sur France Culture), après La Veste (en 2018 et autour de la défaite de François Fillon), puis, l’année suivante, Jeanne revient (sur la famille Le Pen, les deux sur France Inter), le tandem radiophonique signe une fiction au caractère hautement sensible.
Imaginez : nous sommes au début des années 2030, une période chaotique sur tous les plans (économique, social, environnemental, sanitaire entre autres), avec un président qui, réélu sans véritable soutien populaire, ne doit son maintien « qu’à la menace permanente du chaos, à un contrôle policier sévère et à un texte antédiluvien devenu anachronique ». Soit donc le président Jourdain – toute ressemblance avec Emmanuel Macron n’est pas fortuite même si François Hollande et Nicolas Sarkozy ne sont pas loin. Soit donc son adversaire le plus dangereux : le professeur Latour (belle anagramme de Raoult) devenu richissime grâce à la vente d’un faux vaccin, argent investi dans le secteur de l’intelligence artificielle et des réseaux sociaux, et prêt à tout pour prendre le pouvoir – y compris profaner la tombe du général de Gaulle.
A partir de là, tout est permis. Le pire ? Certainement, mais surtout le meilleur. Parce que François Pérache travaille, et plutôt trois fois qu’une : d’abord en se constituant une solide documentation (« C’est la base, explique-t-il. On a une responsabilité en ce qui concerne la notion de vérité, et ce, d’autant qu’on baigne dans les “fake news”. »), ensuite en remettant – et plutôt dix fois qu’une – ses fictions sur le métier. Enfin, plaisir suprême pour l’auditeur, en les truffant de références, autant politiques (magie des archives qui se donnent ici largement à entendre) que littéraires.
Scène désopilante
Parce qu’il sait qu’« il faut être sérieux quand on écrit des bêtises et qu’on en revient toujours aux classiques », François Pérache a donc révisé la Constitution et choisi Le Bourgeois gentilhomme et son président Jourdain, entouré d’une cour de conseillers à faire pâlir les maîtres de philosophie et d’armes imaginés par Molière. Portant la plume dans la plaie des vanités, François Pérache va jusqu’à transformer son maître tailleur en une impayable influenceuse (incarnée par Lison Daniel) – ce qui donne à l’épisode 2 une scène désopilante. D’ailleurs, le jour du tournage, il a fallu refaire quelques prises tant les fous rires fusaient aux sons des répliques, et il faut saluer le travail des comédiens et notamment, dans le rôle de Jourdain, de Gilles Privat, récemment sublime Vladimir dans En attendant Godot mis en scène par Alain Françon.
Au reste, tout est remarquable dans Le grand Charles attend et la réalisation est particulièrement bien ajustée au costume taillé par François Pérache. Mais puisqu’au commencement était le Verbe, rappelons ici quelques faits d’armes de ce quadra surdoué qui a préféré délaisser Centrale et l’Elysée pour jouer les saltimbanques (dans la série Hippocrate et auprès d’Isabelle Huppert dans La Syndicaliste) et aussi pour écrire, en ce moment, plusieurs pièces de théâtre dont on reparlera, c’est certain. En attendant, n’hésitez pas à faire tourner en boucle cette fiction férocement drôle.
Le grand Charles attend Un feuilleton (4 × 30 min) de François Pérache réalisé par Cédric Aussir. Sur France Inter dans « Affaires sensibles » et toutes les plates-formes d’écoute habituelles