L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
Quel magnifique film de hold-up se dit-on, en son for intérieur, au sortir de la séance. Magnifique, évidemment, de ne surtout pas ressembler à ce que l’on en attend, à l’instar des plus grands « néo-noirs ». Magnifique, plus précisément, d’être retravaillé de l’intérieur, acclimaté à une donne géographique et sociale, redéfini selon un tempérament artistique.
L’artiste, ici, se nomme Rabah Ameur-Zaïmeche, c’est l’un des plus grands cinéastes français en activité et cela ne se sait pas assez. Il y aura eu du vent dans les voiles de son parcours, qui continue de le porter : naissance en Algérie en 1966, installation dans la foulée à la cité des Bosquets de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), études d’anthropologie urbaine, déménagement à Montreuil (Seine-Saint-Denis), début dans le cinéma intégralement autoproduit en famille avec Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe ? (2001), film de banlieue qui ne ressemble pas aux films de banlieue.
Vingt et quelques années plus tard – plaçant au passage ces morceaux d’anthologie que sont Bled Number One (2006) ou Dernier maquis (2008) –, Ameur-Zaïmeche, indépendant pur et dur œuvrant sur le temps long, nous propose Le Gang des Bois du Temple, son septième long-métrage, l’un des plus beaux. Le titre fait d’ores et déjà rêver, semble nous ramener, avec l’image du temple Shaolin en arrière-plan, aux riches heures des films de kung-fu des studios de la Shaw Brothers à Hongkong ou des compilations soul du groupe de rap américain Wu-Tang Clan. En vérité, l’esprit qui y souffle est plus hexagonal, version 9-3, Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
Ecole de la rue
Parmi les tours et les parvis, les bretelles d’autoroute et les garages, l’église et les méchouis, s’y met en place une action à double détente. Ici, réchappé de Balzac, M. Pons, qui vient de perdre sa mère et fait gentiment son tiercé chaque matin au café du coin quand il ne garde pas les enfants de ses voisins, et dont on apprendra tout de même qu’il fut en d’autres temps un tireur d’élite de l’armée française. Cela a son importance. Là, une bande de Franco-Maghrébins de l’ancienne génération, plutôt tranquilles sous leur bob une fois que les kalachs sont rentrées, qui ont fait l’école de la République et de la rue ensemble, pris la diagonale de la délinquance ensemble et organisent un gros coup qui leur permettra de continuer à nourrir les pigeons du quartier en se souciant un peu moins de leur avenir.
Le premier et les seconds se connaissent par la défunte mère de Pons, qui fut épicière en son temps, choyant ces derniers qui ne lui en « chouravaient » pas moins quelques « bonbecs ». On se toise sans amitié particulière mais avec respect, comme vivant sous le même horizon. Le récit raccrochera, in fine, leurs destins respectifs, d’une manière qu’on s’empressera de ne pas révéler. Dans l’attente, le gros coup se prépare sans affolement, inspiré d’une affaire véritable.
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