« Le clavecin selon Jean Rondeau », sur Arte.tv, l’homme des éloquences non verbales

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ARTE.TV – A LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE

Il n’a pas la tête de l’emploi, si tant est que l’« emploi » de claveciniste ait une tête particulière : un peu bûcheron, barbu et chevelu façon hirsute, Jean Rondeau (né en 1991) a assez vite été surnommé la « rockstar du clavecin ». Ce qui tombe (presque) bien : en plus d’être le claveciniste français le plus passionnant de sa génération, le jeune homme est un excellent pianiste de jazz.

Ce que n’évoque d’ailleurs pas le portrait documentaire Le Clavecin selon Jean Rondeau, d’Andreas Morell, que lui consacre Arte, qui préfère se concentrer sur l’activité principale du musicien (qui est aussi compositeur : il a écrit la musique délicate et très française du film Paula, de Christian Schwochow, sorti en 2017) et le suivre au cours d’une tournée européenne. Le tout entrecoupé d’assez longues séquences musicales en solo ou avec l’Orchestre baroque de Freiburg.

On ne peut pas dire que les propos de Jean Rondeau, qu’il tient en jean troué et en bras de chemise sur débardeur et poitrail broussailleux, soient mémorables : il ne fait d’évidence pas partie de ceux dont le discours masque parfois les faiblesses du jeu. Mais quand il joue, Rondeau atteint au cœur des choses, notamment grâce à un splendide toucher et à une riche imagination musicale.

« Baroqueux »

Ainsi qu’il l’explique, Rondeau est de cette génération de « baroqueux » (un terme à l’origine dépréciatif, mais qui a fini par s’imposer et qui est moins rébarbatif que l’expression « interprète historiquement informé ») qui ont commencé directement par le clavecin sans passer par un apprentissage du piano, comme cela se faisait plus couramment autrefois.

Au milieu des années 1990, alors que la vogue de la musique ancienne battait son plein, il y avait suffisamment de jeunes clavecinistes en exercice pour donner envie à un jeune garçon de 5 ans d’apprendre cet instrument, qui fut supplanté par le pianoforte. Mais, contrairement à ce qui est souvent dit, le clavecin n’a pas laissé place à un instrument plus perfectionné : il a disparu parce qu’il avait atteint un stade de raffinement indépassable dans sa facture.

Et ce n’est qu’au XIXe siècle bien entamé que certains interprètes se sont (re)tournés vers les instruments historiques encore conservés (qu’on appelait alors « gothicités »), tandis que la maison Pleyel mettait au point un premier clavecin de facture moderne à l’occasion de l’Exposition universelle de 1889.

Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, le retour aux originaux et le développement des copies à l’identique se sont imposés. Une partie du documentaire s’attache d’ailleurs au facteur tchèque Jukka Ollikka, qui fabrique des clavecins neufs selon les canons anciens. Quitte à ce que, à l’occasion d’un concert, l’instrument à peine sorti de l’atelier soit encore un peu « vert ».

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Jean Rondeau dit du Concerto en ré mineur BWV 1052 de Jean-Sébastien Bach qu’il « est assez unique en son genre » sans savoir « expliquer pourquoi ». Mais on comprend tout quand on l’entend jouer son mouvement lent aux figures doloristes et aux harmonies torturées, un peu d’ailleurs comme il en va dans la 21e des Variations Goldberg qu’interprète Rondeau plus tard dans le film. Il n’a peut-être pas toujours les mots, mais le musicien a assurément d’autres éloquences.

Le Clavecin selon Jean Rondeau, d’Andreas Morell (All., 2022, 43 min). Disponible sur Arte.tv jusqu’au 2 juin.

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