L’AVIS DU « MONDE » – POURQUOI PAS
Keiichi Hara, 64 ans, fait résonner une voix raffinée et sensible au sein de l’animation japonaise à laquelle il a donné, en seize ans, après de nombreux travaux de commande, une poignée d’œuvres remarquables, dont Un été avec Coo (2007), Colorful (2010), et surtout le splendide drame historique Miss Hokusai (2015), sa plus flamboyante réussite à ce jour. Depuis, cet artiste consciencieux n’a plus véritablement transformé l’essai : Wonderland. Le royaume sans pluie (2019) avait marqué un premier repli dans les conventions du genre. Une tendance à l’alignement qui ne sera pas démentie par sa dernière livraison, Le Château solitaire dans le miroir, qui se pique d’habiller un sujet de société dans le costume mal taillé d’un imaginaire d’emprunt.
Adapté du roman à succès du même nom (Milan, 2022) de Mizuki Tsujimura, le film se place d’emblée, et de façon appuyée, sous les auspices du conte (Le Petit Chaperon rouge est cité dès l’ouverture). Kokoro, collégienne renfermée, se refuse depuis peu à mettre un pied en cours et passe ses journées à la maison, sous le regard inquiet et néanmoins complaisant de sa mère.
Un jour, le miroir de sa chambre se met à luire d’un curieux reflet : la jeune fille le traverse et atterrit dans le salon d’un château magique, dressé au milieu des flots, parmi six autres élèves de son âge. Leur hôte, une étrange fillette au masque de loup, leur soumet une énigme : ils disposent de six mois pour dénicher une clé dans les détours de la citadelle, à l’issue de quoi le vainqueur se verra exaucer un vœu. Peu diligents, les candidats apprennent d’abord à se connaître, et se rendent compte qu’ils n’ont pas été choisis par hasard : ils ne vont plus à l’école.
Escape game psychanalytique
Le vrai sujet ne tarde pas à se dévoiler : il s’agit du harcèlement scolaire, que le film, à la suite de Silent Voice (2016), de Naoko Yamada, fait progressivement émerger comme fêlure commune à l’ensemble de ses personnages. Keiichi Hara se range ainsi dans une tendance lourde de l’animation japonaise, mise à contribution pour sensibiliser le public adolescent : celle du scénario traumatique où l’imaginaire n’occupe plus qu’une fonction résiliente – on peut aussi voir là un singulier amenuisement de ses puissances.
Plus largement, le problème du Château solitaire dans le miroir, c’est qu’il ne mobilise pas d’enjeu d’animation en propre : son intrigue, psychologique, vaut avant tout sur le plan discursif, et tient plus aux dialogues qu’aux images. En témoigne la façon dont le film sous-investit le décor du château, presque pas exploré, sinon comme une sorte d’escape game psychanalytique, ou de jeu en ligne grandeur nature.
Il vous reste 17.95% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.