PARAMOUNT+ – À LA DEMANDE – SÉRIE
Pour entrer dans la légende de l’Ouest, William Frederick Cody, dit Buffalo Bill, a tué des milliers de bisons, Billy the Kid a abattu vingt et un hommes et Kit Carson a massacré des enfants et des femmes navajos au canyon de Chelly (Arizona). Le shérif adjoint de l’United States Marshals Service Bass Reeves (1838-1910), qui a arrêté plus de 3 000 hors-la-loi entre 1875 et 1907, laissant en vie l’immense majorité d’entre eux, est, lui, longtemps resté un parfait inconnu. Sans doute parce que son itinéraire s’inscrivait mal dans l’histoire de la frontière telle que l’écrivirent romanciers et cinéastes, qui dessinaient l’inexorable mouvement de l’homme blanc civilisateur à travers le continent.
Né dans la servitude dans une plantation de l’Arkansas, Bass Reeves fuit l’esclavage en trouvant refuge dans les territoires indiens de l’Oklahoma. Il est libéré par la Proclamation d’émancipation (l’abolition de l’esclavage dans l’ensemble des Etats confédérés, en 1862), et sa connaissance des langues choctaw et séminole incita un magistrat moins borné que les autres à lui confier le maintien de l’ordre sur les territoires indiens de l’Arkansas, faisant de lui le premier shérif noir à l’ouest du Mississippi.
On avait entrevu le personnage dans le premier épisode de la série Watchmen (2019). Bass Reeves est aujourd’hui au centre d’une mini-série, Lawmen. L’histoire de Bass Reeves, premier volet d’une anthologie consacrée aux gardiens de la paix du Far West. Un curieux mélange de traditionalisme, de spectaculaire et de réécriture de l’histoire.
Tourment intérieur
Tel Cincinnatus, Bass Reeves doit laisser sa charrue lorsque le devoir l’appelle. Homme pieux et juste, le lucre et le stupre, qui meuvent ses contemporains, le laissent de marbre. Ce fermier ordinaire s’inscrit dans un paysage historique mis en scène avec un luxe de moyens. Le premier épisode montre Bass Reeves sous l’uniforme confédéré que son propriétaire, George Reeves (Shea Whigham), le force à porter. L’esclave sera plus courageux que ses maîtres lors de l’impressionnante bataille rangée qui les oppose aux nordistes. Plus tard, les bourgades d’Arkansas et les comptoirs des réserves seront reconstruits, et l’on reconnaîtra Dennis Quaid en shérif cynique et Donald Sutherland en juge patricien.
Il y aurait de quoi faire un western ample et désuet, désuétude accentuée par une mise en scène très conservatrice dans ses cadres et ses mouvements de caméra (on dirait la série venue d’un monde parallèle où Sergio Leone aurait été restaurateur et Sam Peckinpah vendeur de voitures d’occasion). A ceci près que l’histoire de Bass Reeves met à bas les mythes du western. La solennité de David Oyelowo (qui incarne le shérif adjoint) peut être pesante, elle est aussi le véhicule idéal pour transmettre le tourment intérieur du personnage, garant d’un ordre qui naguère a fait de lui un esclave.
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