« L’Avenir confisqué », de Nicolas Duvoux : les lendemains qui chantent, pour les riches plus que pour les pauvres

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« L’Avenir confisqué. Inégalités de temps vécu, classes sociales et patrimoine », de Nicolas Duvoux, PUF, 402 p., 23 €, numérique 16 €.

La progression régulière des inégalités dans les pays développés depuis les années 1970 est un ­sujet paradoxal. La question qu’elle soulève peut s’énoncer candidement : pourquoi les pauvres devraient-ils le rester, alors que les riches, de leur côté, s’enrichissent manifestement de plus en plus ? Mais les concepts et les méthodes à mobiliser pour décrire et comprendre ces inéga­lités sont, quant à eux, l’objet de discussions parmi les plus sophistiquées et les plus animées dans les sciences sociales ­contemporaines.

C’est au centre de ces débats, mêlant des économistes et des sociologues dans de nombreux pays, que se place L’Avenir confisqué, de Nicolas Duvoux. Avec ce livre foisonnant, celui-ci ambitionne en effet de contribuer à redéfinir l’inégalité en l’extrayant de sa ­définition purement « objective » et monétaire pour lui donner l’épaisseur d’une relation sociale. Une relation dans laquelle les individus sont caractérisés avant tout par leur capacité plus ou moins grande à se projeter dans le futur.

« Seuls ceux qui ont assez de ­ressources et de réserves peuvent envisager de conquérir l’avenir », rappelle le sociologue. Mais, pour lui, ce rapport à l’avenir dépend surtout de variables « subjectives » et de « sentiments » qui ne peuvent pas être mesurés sans prendre en compte le contexte social dans lequel vivent les individus, que Duvoux qualifie, de manière un peu abstraite, de « synthèse projective ». Le rapport à l’école, le sentiment d’insé­curité physique, l’expérience des discriminations font partie des « petites différences » que le sociologue s’efforce de comprendre dans sa définition du rapport « sensible » à l’avenir des uns et des autres.

Nicolas Duvoux remarque, par exemple, que les participants au mouvement des « gilets jaunes », bien que se définissant comme pauvres, ne faisaient pas tous partie de cette catégorie au sens monétaire du terme. Ou encore que la possession d’une maison individuelle, qui a longtemps été, pour les ouvriers et les petits ­employés, un élément central du sentiment subjectif de richesse relative, a contribué à l’aggravation du sentiment de pauvreté de ces groupes lorsque le prix des transports a commencé à augmenter fortement.

Attentes de progrès social

La force de la démonstration de Nicolas Duvoux tient notamment à la discussion serrée qu’il mène avec les travaux consacrés récemment aux inégalités par des économistes comme Thomas Piketty. Bien qu’il partage avec eux le constat du grand « retour du patrimoine » dans la distribution des places sociales à la fin du XXe siècle et au début du XXIe, il ne se contente pas d’opposer les individus autour de l’état présent d’un stock financier. Certes, le patrimoine hérité donne des avantages immédiats à ceux qui en disposent, mais il définit surtout l’avenir et la confiance que l’on peut avoir en lui. Un avenir maîtrisé pour les uns et confisqué pour les autres, qui voient leurs attentes de progrès social – pour eux et pour leurs enfants – contredites par leur exposition à la précarité.

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