« L’Acceptation », de Solange Bied-Charreton, Stock, 308 p., 20,90 €, numérique 15 €.
Pour arpenter les rues de Belleville, Gestur ne quitte jamais ses chaussures de marche ni son sac à dos. Il est à Paris plusieurs jours, voire semaines, par mois, on peut le croiser dans les « cafés erronément typiques ou abusivement branchés » caractéristiques du quartier. Mais il est susceptible, à tout moment, de sauter dans un avion pour repartir en Islande ou aller donner une conférence d’archéologie dans une grande université américaine.
A Paris, il ne cesse d’être de passage – au reste, si l’on en croit un logiciel de traduction en ligne, Gestur signifie « hôte », « invité » –, alors même qu’une partie de sa vie s’y construit ; de sa relation avec Aurore, une Française, naît un petit garçon, Erling. Quelques mois après cette naissance, les amants se sépareront. Plus précisément : Aurore finira par reconnaître et nommer, accepter, en somme, la disparition des sentiments entre eux. Pendant des mois encore, ils partageront un appartement.
Le livre s’écrit une fois que tout est fini. Ce sont les ruines de cette histoire, celle « d’un amour puis d’un désamour », qu’arpente Aurore dans L’Acceptation, le quatrième roman de Solange Bied-Charreton, en revenant à leur rencontre, dans une librairie, à la fin de l’année 2015, juste après les attentats de Paris et de Saint-Denis. Une rencontre parmi les livres, qui s’achèvera avec un texte. Une rencontre, aussi, qui a lieu sous le signe de la rupture, puisque Aurore, qui travaille dans l’édition, est là pour assister à un entretien avec une autrice dont le texte porte sur une séparation. Ce dont Gestur, venu un peu par hasard dans le magasin, ne gardera aucun souvenir. Il faut dire qu’il se montre rarement attentif à la souffrance d’autrui.
Le face-à-face de deux cultures
Cela ne fait pas de lui un bourreau. Si Aurore est victime de quelque chose, c’est sans doute des illusions qu’a fait naître en elle l’altérité de Gestur. Il n’y a pas de colère dans son récit, mais, et c’est en partie ce qui en fait le prix, une douceur lucide et navrée. A mesure qu’elle déroule leur histoire, en rappelant toujours quel échec la guette, se dégage de ses phrases un grand calme, que viennent piqueter par instants des éclats d’autodérision, et, à d’autres moments, des blocs d’émerveillement face à la splendeur de l’Islande. Il s’y entend aussi une forme de sagesse née de la douleur et de la solitude où l’a plongée cette liaison avec un homme dont « le caractère soudain, brut, de [la] présence, était teinté d’évanescence ».
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