« La Syndicaliste » : Jean-Paul Salomé filme Isabelle Huppert en héroïne opaque

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L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

On distingue deux films dans La Syndicaliste. Le premier est un film-dossier qui adapte le livre de la journaliste Caroline Michel-Aguirre (La Syndicaliste, Stock, 2019), enquête étoffée sur le drame vécu par Maureen Kearney, lanceuse d’alerte et pugnace déléguée CFDT d’Areva. Le 17 décembre 2012, Kearney est retrouvée ligotée dans le sous-sol de sa maison, un manche de couteau enfoncé dans le vagin et un « A » tailladé sur son ventre. Ce jour-là, elle avait rendez-vous avec François Hollande : cela faisait des mois que la responsable syndicale tentait d’alerter la presse et le gouvernement sur un contrat secret passé entre Areva et la Chine. Une alliance qui viendrait brader le savoir-faire français à la puissance chinoise et mettre en péril des dizaines de milliers d’emplois – l’histoire lui a donné raison.

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Bruits de couloirs, luttes intestines, rendez-vous avec un informateur, entrevues dans les bureaux de figures haut placées… c’est ce petit théâtre politique – qui précède et prépare l’agression de Maureen Keaney – que s’amuse à reconstituer Jean-Paul Salomé. Une comédie humaine en cols blancs qui procure un certain plaisir, celui de voir des acteurs se glisser dans les costumes de figures existantes : Yvan Attal en Luc Oursel, président du directoire d’Areva et membre de son comité exécutif de 2011 à 2014 ; Christophe Paou en Arnaud Montebourg, nommé ministre du redressement productif en mai 2012 ; Marina Foïs en Anne Lauvergeon, alors fraîchement débarquée de la direction du groupe. Il manque pourtant à cette première partie dépourvue d’allant l’ironie d’un Chabrol, une fluidité de la mise en scène qui viendrait alléger le poids de la reconstitution. Jean-Paul Salomé semble embourbé dans sa mise en place, un peu dépassé devant autant d’interactions, de personnages et d’événements à orchestrer.

Violence patriarcale

Surtout, cette première partie n’est qu’une mise en bouche pour le deuxième film qui s’inaugure avec l’agression de Maureen, véritable trou noir dans lequel s’engouffre l’enquête policière. Les inspecteurs relèvent une série d’incohérences dans le témoignage de la syndicaliste et suspectent qu’elle ait fomenté son agression. C’est alors que le film bascule, passe des mains de Jean-Paul Salomé à celles de son actrice, Isabelle Huppert, génie indépassé lorsqu’il s’agit de s’engager dans des zones indécidables, de porter l’ambiguïté à incandescence. Coupable ou victime ? Ce fut la question de Maureen Keaney, et cela a toujours été celle d’Isabelle Huppert, jamais autant elle-même que lorsqu’un film tente de savoir ce qu’il y a dans sa tête et se heurte à son opacité spectrale.

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