La sculptrice Germaine Richier ressuscite sur le marché

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Morte en 1959 à l’âge de 55 ans, Germaine Richier a tout d’une pionnière. Première sculptrice française à recevoir le prix Blumenthal, en 1936, elle sera aussi la première artiste femme vivante exposée au Musée national d’art moderne. Déchiquetée, trouée, fracturée, sa statuaire torturée dévore le vide et épouse les tragédies du siècle. Son histoire, pourtant, pourrait être celle d’un effacement, malgré l’intérêt constant d’une poignée de marchands français, comme Jacques de la Béraudière, désormais basé à Bruxelles.

« Le marché de Germaine Richier a connu une progression à la fois lente et continue au cours des trente dernières années, résume Paul Nyzam, directeur du département de l’art d’après-guerre chez Christie’s France. C’est une force parce que cela révèle que ce marché n’est ni spéculatif ni artificiel. Pour le dire simplement : c’est un marché de vrais collectionneurs. » « Mais, ajoute le spécialiste, c’est aussi une faiblesse parce qu’un décollage plus fort et spectaculaire aurait jeté un coup de projecteur plus net sur son œuvre et contribué à faire venir de nouveaux acteurs sur ce marché. » Précédant de trois semaines la monographie que lui consacre le Centre Pompidou depuis le 1er mars, les galeries Clavé Fine Art et Dina Vierny lui rendent simultanément hommage jusqu’au 22 avril.

Dans l’atelier de Bourdelle, Germaine Richier côtoie en 1926-1927 le sculpteur suisse Alberto Giacometti (1901-1966), à qui on l’aura trop souvent comparée. Leurs méthodes sont pourtant aux antipodes, l’un opérant par soustraction de la matière, l’autre par agrégat. Germaine Richier invente durant la guerre, qu’elle passe en Suisse, une sculpture qui défait l’équilibre, peuplée d’êtres hybrides, femme-insecte, homme-forêt, préfigurant le travail de Louise Bourgeois (1911-2010) ou d’Eugène Dodeigne (1923-2015), taiseux sculpteur du Nord, qui a été exposé récemment à la galerie Christophe Gaillard.

Des prix qui restent bas

César (1921-1998), son cadet de presque vingt ans, lui voue une admiration totale. A des décennies d’écart, leurs trajectoires posthumes les rapprochent. Dans les deux cas, une succession compliquée a mis leur marché sous cloche. Lorsque l’historienne Valérie Da Costa publie une monographie de Germaine Richier aux éditions Norma, en 2000, les ayants droit de la sculptrice refusent d’autoriser la reproduction des images.

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La postérité de César sera quant à elle grevée par la longue guerre successorale opposant sa femme à la dernière compagne du sculpteur. Au bout de douze ans de procédure, chacune a fini par mettre de l’eau dans son vin pour assurer une cohérence dans la diffusion du travail de l’artiste.

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