La mort de Wayne Shorter, saxophoniste de jazz et compositeur

0
16

« Légende du jazz », « icône du jazz », « géant du jazz » ? La grande presse anglo-saxonne rivalise de trouvailles. Pour tenter de dire quoi ? Une chose assez simple mais très difficile à proférer sans clichés : l’un des plus grands compositeurs-acteurs (musicien) de ces soixante-dix dernières années, Monsieur Wayne Shorter, né à Newark (New Jersey) le 25 août 1933, est mort le 2 mars à l’hôpital de Los Angeles. Il avait 89 ans et, d’une façon scientifiquement vérifiable, 89 façons d’inventer le « jazz » à tout instant.

Trois temps forts dans sa course à l’exigence intime : les Jazz Messengers du batteur Art Blakey (il en deviendra le directeur musical) ; le partage du quintette le plus sidérant de Miles Davis, le second (1964-1968), dont il est – dixit Miles – le véritable concepteur ; le groupe Weather Report, fondé avec Joe Zawinul et Miroslav Vitous en 1970.

Des Grammy Awards comme s’il en pleuvait ; des disques d’or, de platine, de cobalt, de lithium à la pelle ; une ferveur plus philosophe que mélomane chez ses partisans ; et la personnalité la moins tapageuse, la plus douce, la plus étrange. L’ange du bizarre à portée d’oreille.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Wayne Shorter, toujours plus à l’ouest

Le gros public l’aura un peu loupé, les super-festivals français n’auront pas su s’y prendre, les musiciens, eux, ne s’y sont jamais trompés. Il apparaît dans une dizaine d’albums de la surprenante Joni Mitchell, qui le tenait pour un peintre, un coloriste. Sa relation aux musiciennes (Terri Lyne Carrington, Joni Mitchell, Esperanza Spalding) relève du féminin.

Enigme

Jazz ? Rock ? Pas rock ? Fusion ? Sa double entente avec Carlos Santana, ou les bien peu cartographiables Steely Dan, ne facilitent pas la comprenette. Il y a une énigme Wayne Shorter, et cette énigme pourrait bien être son évidence.

Reprenons : à Newark, dès les années d’après-guerre, Wayne et son frère Al Shorter (1932-1987, cornet, trompette, free, longtemps installé à Paris) plongent dans la révolution bebop (Charlie Parker, Bud Powell, Thelonious Monk). Le père, Joseph, est soudeur pour la société Singer, maman coud, tout est en ordre. Les frangins, musique au corps, se passionnent aussi pour le dessin, la science-fiction, les feuilletons radio et les matinées cinématographiques du théâtre Adams.

En 1945, Wayne remporte un concours pour la première high school publique ouverte aux arts visuels et aux spectacles. Les professeurs le poussent vers la théorie musicale et la composition. Avec son frère – lui joue du ténor, c’est plus tard qu’il deviendra ce styliste du soprano –, ils rejoignent le groupe de bebop local (l’insurrection qui vient, donc), cornaqué par une chanteuse qui n’a pas froid aux yeux, Jackie Bland.

Il vous reste 57.36% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici