Universitaire spécialiste de littérature anglo-saxonne à l’origine du premier Groupe d’études féministes, Françoise Basch est morte chez elle à Paris, le 6 mars, à l’âge de 92 ans.
Petite-fille du dreyfusard Victor Basch, philosophe militant, pionnier de la Ligue des droits de l’homme qu’il présida de 1926 à son assassinat par la Milice en 1944, Françoise Basch aurait voulu suivre l’exemple de ses ascendants, intellectuels engagés. Côté maternel, elle avait une grand-mère maternelle, Anna (1877-1926), juive russe immigrée radiologue et gynécologue, et son époux, Marius Moutet (1876-1968), ministre socialiste dans les gouvernements du Front populaire, qui refusa les pleins pouvoirs à Pétain. Sur le versant paternel, les figures non moins imposantes de Victor et Ilona Basch, victimes de la Milice, son oncle le sociologue Maurice Halbwasch (1877-1945), mort dans les camps, son père, Georges, médecin, engagé volontaire qui se suicide au lendemain de la demande d’armistice en juin 1940…
Sa mère, Marianne, médecin elle aussi, cherche avant tout à préserver ses enfants – Françoise, née en 1930, et son frère, André, né en 1933 – du chaos de la guerre. Elle
ouvre un cabinet à Bollène (Vaucluse), confiant les petits au couple Basch. Dénoncée, elle parvient à fuir et récupère ses enfants, cachés un temps à Dieulefit (Drôme), chez le pasteur du lieu, avant de se réfugier en Suisse.
Dans le sillage des Américaines
Avec la fin du conflit, de retour à Paris, Françoise poursuit ses études tandis que sa mère, en gynécologue engagée, lutte pour la libéralisation de l’avortement et la large diffusion de la contraception. Si son frère peut suivre la voie familiale, se tournant vers la médecine, Françoise devra se tourner vers le monde universitaire, censé la préserver. Elle s’en arrange sans suivre la voie paisible qu’on lui indique.
Mariée un temps, la jeune femme s’émancipe et milite politiquement au Parti socialiste unifié, tout juste créé, et soutient la cause de l’indépendance algérienne, hébergeant même un acteur du Front de libération nationale. Angliciste, elle fait sa thèse à Londres, qui sera publiée tant en anglais (Relative Creatures. Victorian Women in Society and the Novel, 1837-67, Allen Lane, 1974) qu’en français (Les Femmes victoriennes. Roman et société, 1837-1867, Payot, 1979), au moment où le Paris estudiantin s’enflamme. Un rendez-vous manqué. Mais dès 1969, Françoise Basch intègre l’Institut d’anglais Charles-V (Paris-VII), en tant que maîtresse de conférences, puis très vite professeure après sa soutenance (1970).
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