La Goutte-d’Or, le Paris et le pari de Clément Cogitore, cinéaste plasticien

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« Mon imaginaire est ancré sur les grands espaces. Cette fois, j’avais envie de le confronter à la ville. » Après Ni le ciel ni la terre (2015), tourné au fin fond de l’Atlas marocain, et Braguino (2017), situé au sein d’une communauté familiale perdue dans la forêt sibérienne, c’est à la Goutte-d’Or, ce quartier nord de Paris qui donne son titre au film, que Clément Cogitore est venu poursuivre sa quête.

Professeur aux Beaux-Arts de Paris, metteur en scène à l’opéra (Les Indes galantes, en 2019), et cinéaste, donc, il a donné rendez-vous dans le cœur névralgique du quartier, là où les rues des Gardes, de Chartres, Caplat et de la Goutte-d’Or se croisent en un concentré de tensions sociales et de criminalité du pavé… On est loin de Lapoutroie (Haut-Rhin), ce village des Vosges où il a grandi avec ses cinq frères, sous la houlette d’un père médecin de campagne, d’une mère infirmière et des hautes futaies pour abriter leurs frasques.

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La Goutte-d’Or. C’est ici que Zola a planté, au XIXe siècle, le décor de son roman L’Assommoir ; ici que Clément Cogitore est entré pour la première fois dans Paris. Il avait 17 ans. Il en a 39. « J’étais avec un copain, on est arrivés en voiture par la porte de Clignancourt. Je me rappelle des lumières, j’avais une petite caméra. Je filmais. Je me suis dit : “C’est ça, Paris ?”, raconte-t-il, fasciné. C’est resté mon Paris. »

Etudiant aux Arts déco de Strasbourg, il prend dès qu’il le peut la tangente vers la capitale. Au début, il squatte des canapés, ici, rue Saint-Mathieu, derrière l’église Saint-Bernard. « Quand on est artiste, on va là où le café n’est pas cher. » A l’époque, son frère Romain (réalisateur lui aussi) habite boulevard Barbès. Alors qu’on déambule de par les rues, il se souvient du fourmillement qu’il découvre et l’éblouit. Comment il se faisait avoir au bonneteau, ce jeu de faux hasard auquel on joue avec un palet sur les trottoirs, grattant un billet de temps en temps, en perdant bien plus, amoureux qu’il est de cette « atmosphère étrange, cette vie bouillonnante, cet état un peu flottant »

Polar social et intime

Aujourd’hui, avec sa femme, la scénariste franco-allemande Nadja Dumouchel, et leurs deux enfants de 8 et 2 ans, il vit entre Berlin – il y a son atelier, elle enseigne à Babelsberg – et Paris. A Paris, il loge à Marcadet, de l’autre côté du boulevard Barbès, plus bobo, mais toujours à moins d’une encablure. « Je voulais depuis longtemps filmer ce quartier que je connais – ou que je crois connaître, confie-t-il. J’ai mis du temps à trouver le fil. Je pensais d’ailleurs que le film allait plus le raconter. J’avais laissé de la place aux lieux géographiques, et puis les personnages se sont déployés… »

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