Il fut l’un des musiciens de studio américains les plus demandés à la fin des années 1960 et au début des années 1970, avant une chute criminelle qui précède et rappelle celle du producteur Phil Spector (1939-2021), avec qui il avait travaillé. Le batteur Jim Gordon, à l’occasion pianiste et organiste, est mort le 13 mars, à l’âge de 77 ans, à la California Medical Facility de Vacaville, en Californie, un établissement psychiatrique dont le nom reste associé à la dérive sectaire de la contre-culture, puisque le gourou Charles Manson y fut emprisonné et qu’un autre membre de sa « famille », Bobby Beausoleil, y est encore.
Jim Gordon était incarcéré pour un meurtre dont l’atrocité évoque le personnage de Raskolnikov dans Crime et châtiment, de Dostoïevski : le 3 juin 1983, il tue à coups de marteau et de couteau sa propre mère à son domicile de Los Angeles. Il dira qu’une voix lui a ordonné de le faire, et sera diagnostiqué schizophrène. Sa santé mentale n’avait cessé de s’aggraver durant les dix années précédentes, au point que sa carrière musicale avait pris fin. Sa vie étant déjà rythmée par les séjours en hôpital psychiatrique et l’obsession pour cette mère qu’il entendait en permanence dans sa tête lui intimer de ne plus jouer de son instrument ou de mettre fin à ses jours.
Avant cette descente aux enfers, Jim Gordon s’était constitué l’un des plus impressionnants CV de la scène rock, à une époque où les talents ne manquaient pas. Né le 14 juillet 1945 à Los Angeles, ce grand gaillard athlétique à la chevelure frisée, timide et souriant, avait fait ses classes dès ses 17 ans, en 1963, en accompagnant les légendaires The Everly Brothers. Avant d’être cornaqué par le batteur Hal Blaine (1929-2019), qui l’intègre au Wrecking Crew, les musiciens réunis par Phil Spector aux studios Gold Star de Los Angeles pour édifier son « mur de son ».
C’est vers eux que se tourne Brian Wilson pour enregistrer Pet Sounds (1966), le chef-d’œuvre des Beach Boys, auquel Gordon participe. Celui-ci joue également cette même année sur l’album River Deep – Mountain High, d’Ike et Tina Turner, et d’autres grands jalons de la période comme The Notorious Byrd Brothers (1968), des Byrds, ou les deux premiers opus de Randy Newman. Il pourra même, en 1969, publier un album instrumental en leader, Hog Fat, par Jimmy Gordon and his Jazznpops Band.
Spirale autodestructrice
Le voilà sur les routes cette même année, quand il rejoint le duo country-soul Delaney & Bonnie, au sein d’un groupe d’accompagnateurs comprenant le claviériste Bobby Whitlock, le bassiste Carl Radle et un guitariste star nommé Eric Clapton. Ces quatre-là œuvrent au premier album solo de Clapton et au triple All Things Must Pass de George Harrison pour former finalement un éphémère groupe, Derek & The Dominos. Derek, c’est Clapton, soucieux de se fondre dans l’anonymat d’un collectif, The Dominos – les trois autres : l’association aboutit au grandiose double Layla and Other Assorted Love Songs, paru en novembre 1970.
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