« Jane Campion. La femme cinéma », sur Arte : la réalisatrice Julie Bertuccelli célèbre sa consœur

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ARTE – MERCREDI 8 MARS À 23 H 15 – DOCUMENTAIRE

Il y a chez Jane Campion un mélange de force et de sérieux que viennent sans cesse égayer une douceur, une fantaisie et une légèreté d’être. C’est ce qu’a su capter la réalisatrice Julie Bertuccelli, dans un portrait au long cours (quatre-vingt-dix-neuf minutes) de sa consœur néo-zélandaise, longtemps la seule femme à avoir remporté la Palme d’or au Festival de Cannes (pour La Leçon de piano, en 1993).

Lire aussi (en 2010) : Jane Campion, héroïne complexe

Au début de Jane Campion. La femme cinéma, on la voit assise face à la presse, entourée de nombreux autres récipiendaires de la récompense suprême – tous des hommes. Interrogée sur cette situation, elle répond : « La féminité me semble être une dimension très forte, centrale, de l’humanité. Nous sommes des déesses, nous sommes belles, intuitives, protectrices. Une grande partie du discours des médias et notre vision du monde sont dictées par des hommes qui ignorent tout de ce que pensent les femmes. »

Tout cela dit avec un calme aussi grand que le sourire, qui n’est même pas carnassier, ce qui semble gêner encore plus les palmés alentour, dont beaucoup regardent la moquette ou la ligne bleue de la Croisette. Sur la scène des Oscars, qui n’avaient alors récompensé que Kathryn Bigelow (en 2010, pour Démineurs), Jane Campion sera plus acide alors qu’on lui demande d’évoquer l’histoire des femmes ayant concouru pour l’Oscar de la meilleure réalisatrice. « C’est une histoire très courte, voire un haïku : cinq nominations, une gagnante ! »

Puis de calculer, en comptant longuement sur ses dix doigts, les résultats du côté masculin : « 350 nominations, 70 Oscars ». Depuis, les Oscars ont récompensé Chloé Zhao, en 2021 (meilleur film pour Nomadland, meilleure réalisatrice), avant que Jane Campion ne remporte celui de la meilleure réalisation pour The Power of the Dog, en 2022. En 2021, Julia Ducournau remportait la Palme d’or à Cannes avec Titane.

Une liberté singulière

Au cours du documentaire, on entend aussi Jane Campion rappeler la misogynie crasse des techniciens sur les plateaux de ses débuts, mais ce n’est pas l’essentiel du propos de Julie Bertuccelli. Car il est surtout question de cinéma : des tout débuts de la Néo-Zélandaise dans des courts-métrages au ton d’une liberté singulière (dont Peel, réalisé en 1982 et récompensé en 1986, à Cannes, d’une Palme d’or du court-métrage), jusqu’à son opus le plus récent, The Power of the Dog (2021).

Sans oublier la merveilleuse série télévisée Top of the Lake, dont les deux saisons (2013 et 2017) constituent deux grands films – chacun en six parties (Jane Campion préfère parler d’« un roman dont les épisodes seraient des chapitres ») – qui l’auront occupée entre Bright Star (2009) et The Power of the Dog.

Le documentaire de Julie Bertuccelli, au montage finement tressé et d’une remarquable fluidité, donne envie de revoir une filmographie somme toute peu fournie

Le film de Julie Bertuccelli, au montage finement tressé et d’une remarquable fluidité, circule entre entretiens accordés à toutes les époques de la carrière de Jane Campion, généreux extraits de films et making of de plateau. Et le tout donne envie de revoir une filmographie somme toute peu fournie.

Par exemple Portrait de femme (1996), que diffuse Arte mercredi 8 mars à 20 h 55, grand film classique en costumes, presque dans la veine d’un James Ivory, n’était la cruelle précision du regard que porte Jane Campion sur Nicole Kidman, John Malkovich et l’étonnant Martin Donovan, à la douleur fatale. Le film n’a pas la grâce incomparable de Bright Star, mais il brille au-dessus de la mêlée.

Jane Campion. La femme cinéma, documentaire de Julie Bertuccelli (Fr., 2022, 99 min). Disponible à la demande sur Arte.tv jusqu’au 16 mai.

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