Jacques A. Bertrand, Philippe Garnier, Jeanne Guien, Juan Marsé… Les brèves critiques du « Monde des livres »

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Des romans, un récit, un polar, de la poésie, une anthologie, des essais variés… Voici les brèves critiques de onze ouvrages notables en cette neuvième semaine de l’année.

Anthologie. « Abécédaire pour rire », de Jacques A. Bertrand

Peut-on imaginer, pour Jacques A. Bertrand (1946-2022), tombeau plus heureux que cet abécédaire composé par Betty Mialet et Bernard Barrault à partir de ses vingt-huit livres, publiés par leurs soins entre 1983 et 2021 ? Facétieux, le romancier avait mis en garde sur les pompes funèbres : « Les éloges funèbres sont agaçants (…), trop souvent nous nous montrons injustes avec les morts de leur vivant. » Et, pour déjouer les curiosités déplacées : « La biographie, c’est un peu l’art d’assassiner les morts. »

Le choix d’une anthologie souriante est donc idéal. Exercices d’admiration : Oscar Wilde, Antoine Blondin, William Blake ou Daniel Mermet (« L’homme descend du songe »), ­Sénèque (« Prenez soin de séparer les choses du bruit qu’elles font »), et une folle malice : « La sagesse n’est pas la femme du sage »  ; « L’italique est au caractère droit ce qu’a été l’arquebuse au coup-de-poing en ­silex taillé. » Ph.-J. C.

« Abécédaire pour rire », de Jacques A. Bertrand, Mialet-Barrault, 176 p., 18 €, numérique 13 €.

Récit. « Ce pays qu’on appelle vivre », d’Ariane Bois

Moins connu que Drancy, le camp des Milles revit sous la plume alerte d’Ariane Bois, à travers le quotidien de cette tuilerie près d’Aix-en-Provence, qui, avec quelque 10 000 détenus étrangers, fut le plus grand camp d’internement et de déportation français de la zone sud sous l’Occupation. Mettant en scène une histoire d’amour entre Leo, caricaturiste juif allemand, et Margot, une Provençale œuvrant pour le sauvetage des persécutés, l’autrice dépeint avec acuité les conditions indignes dans lesquelles ces « indésirables » furent parqués (plus de deux mille furent ensuite déportés à Ausch­witz). Ce livre ressuscite aussi avec force l’intense vie artistique et intellectuelle du camp – les peintres Max Ernst et Hans Bellmer ou le musicien Max Schlesinger y furent internés. Un récit vif et poignant sur ces exilés trahis par la France de Vichy. Ar. S.

« Ce pays qu’on appelle vivre », d’Ariane Bois, Plon, 282 p., 20,90 €, numérique 15 €.

Roman. « La Voix de Sita », de Clea Chakraverty

Ce n’est pas en voyageuse émerveillée par les beautés de l’Inde ou en quête de spiritualité que Clea Chakraverty s’attache à un pan majeur de la société indienne contemporaine. L’autrice franco-indienne y a vécu plusieurs années pour exercer son métier de journaliste, et y mener des recherches anthropologiques. Elle porte un regard aiguisé sur la violence faite aux femmes dans ce pays, dix ans après la disparition de Nirbhaya, victime d’un viol barbare dans un bus de New Delhi. Pour son héros, Madhu Chandra Dev Singh, un jeune avocat, il ne fait aucun doute que la source de ces crimes se trouve dans les mythes hindous. Il décide donc de porter plainte contre le dieu Ram… Pour ce faire, il lui faudra des témoins et des experts. La Voix de Sita est un premier roman, mais il a l’efficacité d’un page-turner et l’originalité d’un texte audacieux. Fl. By

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