Le réalisateur tunisien Youssef Chebbi a obtenu, dans la soirée du samedi 4 mars à Ouagadougou, la récompense suprême du Fespaco, le plus grand festival du cinéma africain, dont la 28e édition s’est tenue en dépit d’un lourd contexte sécuritaire en raison des violences djihadistes qui minent le Burkina.
Le jeune réalisateur né à Tunis en 1984 a remporté l’Etalon d’or de Yennenga pour son film Ashkal. Saluant une « rigueur extrême » et un « travail qui sort de l’ordinaire », la présidente du jury, la Tunisienne Dora Bouchoucha, a précisé que l’Etalon d’or avait été remis à M. Chebbi à l’unanimité.
Dans ce polar qui se déroule dans les Jardins de Carthage à Tunis, un quartier abandonné après la chute du président Ben Ali en 2011, deux policiers mènent une enquête sur de mystérieuses immolations. « C’est une intrigue policière mais en fait ça parle du peuple tunisien », a expliqué Dora Bouchoucha.
Sélectionné à la quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes en France, Ashkal a également remporté l’Antigone d’or, la plus haute récompense du Festival du cinéma méditerranéen de Montpellier (sud-est de la France) en 2022.
Le prix a été remis à un représentant du réalisateur, absent, par le président de transition burkinabé, le capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir par un putsch en septembre 2022, coiffé de son habituel béret rouge et vêtu d’un treillis. Le réalisateur tunisien devance deux femmes, la Burkinabè Apolline Traoré pour Sira qui reçoit l’Etalon d’argent, et la Kényane Angela Wamai pour Shimoni, récompensée de l’Etalon de bronze. Quinze longs-métrages de fiction briguaient la récompense suprême, l’Etalon d’or de Yennenga, un prix d’une valeur de 20 millions de francs CFA (environ 30 000 euros).
La Tunisie triomphe
Depuis sa création en 1969, aucune femme n’a remporté la récompense suprême de ce grand festival africain du cinéma, pour lequel 170 œuvres étaient en lice dans diverses catégories. Cette édition avait pour thème « cinémas d’Afrique et culture de la paix ». Les prix d’interprétation masculine et féminine reviennent à l’ensemble des acteurs et actrices de Sous les Figues, de la réalisatrice tunisienne Erige Sehiri. Le meilleur scénario a été décerné au Bleu du Caftan, de la Marocaine Maryam Touzani.
La Tunisie triomphe donc dans ce festival du cinéma africain, à l’heure où des centaines de ressortissants d’Afrique subsaharienne fuient le pays en raison d’agressions et de manifestations d’hostilité faisant suite à une violente charge du président Kais Saïed contre les migrants en situation irrégulière.
Cette 28e édition du festival s’est tenue dans un contexte sécuritaire très lourd au Burkina, secoué par la violence djihadiste depuis plusieurs années. Des dispositifs de sécurité, portiques, fouilles, militaires et policiers armés, ont été mis en place devant les différents lieux du festival qui ont accueilli 20 000 invités, selon l’organisation. La prochaine édition du Fespaco doit se tenir en 2025.
En dépit de ce contexte, des projections ont eu lieu auprès de personnes déplacées en raison des attaques djihadistes, à Kaya (centre nord) et à Dédougou (centre ouest). Les attaques qui touchent surtout la moitié nord du pays n’ont toutefois pas cessé. Le Burkina Faso connaît une intensification des violences de groupes liés à Al-Qaïda ou l’Etat islamique depuis le début de l’année, avec plusieurs dizaines de morts – civils ou militaires – quasiment chaque semaine.