« Esterno notte », sur Arte, la passion d’Aldo Moro selon Marco Bellocchio

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Il y a très exactement quarante-cinq ans, un homme était dissimulé derrière une fausse cloison, au fond d’une cache aménagée dans un appartement romain. Le 16 mars 1978, un commando des Brigades rouges enlevait Aldo Moro, président de la Démocratie chrétienne, après avoir abattu les cinq membres de son escorte. Cinquante-cinq jours plus tard, on retrouvait le corps d’Aldo Moro dans le coffre d’une Renault 4, via Caetani, toujours à Rome.

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En 2003, Marco Bellocchio a mis en scène ces journées en un long-métrage, Buongiorno, notte (« bonjour, la nuit »), dont le titre disait l’essence de l’événement pour le cinéaste : le crépuscule des possibilités nées à la chute du fascisme, l’entrée dans une obscurité sans fin. Ce moment s’incarnait dans la confrontation entre l’homme politique détenu et l’une de ses geôlières.

Deux décennies plus tard, Bellocchio, aujourd’hui âgé de 83 ans, plonge de nouveau dans la nuit, en élargissant le champ. Esterno notte se traduit par « extérieur nuit ». Pour donner à son récit la possibilité d’embrasser la marche vers l’obscurité d’un pays tout entier, le cinéaste a choisi la forme épisodique. Mais, plutôt qu’un feuilleton, Esterno notte évoque un polyptyque, un tableau en six panneaux, dont chacun met en avant l’un des acteurs de la tragédie. Comme si, au fond d’une église, on découvrait un chef-d’œuvre consacré à un martyr, dont l’image glorieuse et douloureuse est entourée des représentations de ses bourreaux, de ceux qui l’ont trahi ou l’ont aimé.

Une fluidité stupéfiante

Chaque épisode de la série diffusée sur Arte – on peut dire aussi chaque chapitre de ce film, qui porte si profondément l’empreinte de son auteur – pousse d’abord au premier plan Aldo Moro lui-même (Fabrizio Gifuni), que l’on voit se démener pour convaincre ses collègues de la Démocratie chrétienne de former une supermajorité parlementaire avec le Parti communiste italien, processus alors désigné sous le nom de « compromis historique ». Il s’agit de faire sortir l’Italie de la nasse politique dans laquelle l’ont enfermée trois décennies d’hégémonie démocrate-chrétienne. Bellocchio et son acteur montrent Moro comme un ascète de la politique, mû autant par ses analyses historiques que par une foi catholique omniprésente dans sa vie publique et dans sa triste vie privée. Eleonora (Margherita Buy), son épouse, s’est éloignée de lui, ce qui ne le dispense pas de s’étendre chaque soir à son côté sur le letto matrimoniale.

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Il faudrait être très fin connaisseur de l’histoire italienne pour mesurer la part d’hagiographie que Marco Bellocchio met dans ce portrait d’Aldo Moro. Elle procède certainement d’une empathie sincère pour cet homme qui, malgré sa propension à la contrition, a refusé jusqu’au bout sa condition de martyr, adjurant ses compagnons de le sauver, fût-ce au prix de négociations avec les Brigades rouges. Cette image finalement assez simple permet aussi au cinéaste de mettre en relief la complexité, et souvent la noirceur, des autres acteurs du drame, en l’occurrence le ministre de l’intérieur et futur président de la République Francesco Cossiga (Fausto Russo Alesi), le pape Paul VI (Toni Servillo), la brigadiste Adriana Faranda (Daniela Marra) et Eleonora Moro.

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