« Empire of Light » : une ode à la salle de cinéma et à son pouvoir consolant signée Sam Mendes

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L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

L’éclectisme élégant du réalisateur britannique Sam Mendes l’aura mené d’une chronique au vitriol de l’American Way of Life (American Beauty, 1999, qui demeure son film le plus tranchant) à un film de guerre en forme de performance filmique (1917, en 2020), en passant par deux James Bond (Skyfall et 007 Spectre) et un diptyque contrasté sur l’usure fatidique de la vie de couple (Les Noces rebelles, en 2008, et Away We Go, en 2009). Empire of Light, son nouveau film, tourné en pleine crise due au Covid-19, le ramène, comme beaucoup d’autres réalisateurs confrontés à la fragilisation du cinéma et à leur propre maturité, à sa jeunesse anglaise de la fin des années 1970, dans un récit dont il est pour la première fois l’auteur.

L’Empire, une salle de cinéma, majestueuse et décrépie, survivant déjà à ses heures de gloire, Art déco, rouge et or, avec sa salle de bal, sise dans une cité balnéaire typiquement anglaise, constitue le cadre de ce film, dont deux marginaux, employés de l’établissement, sont les personnages principaux. Hilary (Olivia Colman) est une femme célibataire entre deux âges, à l’équilibre mental précaire, carburant au lithium, qui dirige la petite équipe du cinéma, quand elle n’astique pas, vite fait bien fait, le directeur de la salle (Colin Firth). Celui-ci l’appelle à tout bout de champ dans son bureau pour des raisons qui ne trompent personne.

Le jeune Stephen (Micheal Ward) est, quant à lui, le petit nouveau de l’équipe, un étudiant noir contrarié dans sa carrière universitaire par sa couleur de peau et qui ne va pas trouver dans l’époque (accession au pouvoir de l’ultralibérale Margaret Thatcher, essor du Front national britannique et du mouvement skinhead, en attendant les émeutes de Brixton) un terreau propice à son confort.

Spectacle à l’ancienne

Il se passe ainsi dans Empire of Light ce qui se déroulait déjà dans le film qui révéla Olivia Colman à la notoriété – Tyrannosaur (2011), de Paddy Considine –, où elle interprétait avec Peter Mullan un duo de personnages brisés par la vie cherchant dans leur rapprochement un apaisement à leur souffrance. C’est à ce projet que se consacre Sam Mendes avec ce couple très insolite et très improbable, brodant autour de leur brève rencontre tout un entrelacs de micropéripéties attenantes, entre humour et mélodrame.

Hilary (Olivia Colman) et Stephen (Micheal Ward, de dos) dans « Empire of Light », de Sam Mendes.

La vie propre du cinéma, où s’organise fébrilement une avant-première prestigieuse des Chariots de feu (1981) dont Ellis, patron frustré, dégradant macho et mari déprimé, espère qu’elle va relancer sa salle, tentant, en vain, d’en éloigner une Hilary en pleine crise mentale et vindicative. Plus largement, l’équipe qui le fait vivre, telle une petite famille lovée en son sein, se protégeant ici, comme nulle part ailleurs, des bruits et de la fureur du monde environnant.

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