Ce soir de février 2019, au moment où ElGrandeToto s’apprête à monter sur scène en première partie du rappeur belge Damso, à Casablanca, personne parmi les organisateurs n’a encore pris la mesure de son aura. « Damso était d’accord, mais les tourneurs craignaient qu’il ne corresponde pas au public », se souvient Anissa Jalab, manageuse d’ElGrandeToto depuis 2018. Ils ne voulaient pas de ce chanteur marocain qui rappe essentiellement en darija (l’arabe dialectal marocain), n’hésite pas à s’afficher avec un joint au bec et un verre d’alcool à la main et rappelle trop la rue pour un public francophone réputé « plutôt classe ». Et puis, ElGrandeToto a commencé son show.
En quelques minutes, le stade Mohammed-V s’est transformé en karaoké géant. « Le public connaissait les paroles par cœur, les gens étaient bouillants, nous avons vécu un grand moment de musique. Son public a parlé pour lui, vante la Belge d’origine marocaine. J’avais insisté car j’avais compris que Toto fascine le Maroc entier. » Et désormais bien au-delà de ses frontières.
A 27 ans, ElGrandeToto est l’un des artistes les plus écoutés du monde arabe. Depuis le mois d’octobre, il a dépassé 100 millions de streams sur Spotify pour son premier album Caméléon (2021). La star marocaine entame une tournée mondiale, de Bruxelles à Los Angeles, et se produira à guichets fermés à l’Olympia, à Paris, le 5 novembre. Très attendu, son second album, 27, réalisé par le Toulousain Guilty, paraîtra bientôt chez RCA (Sony Music France).
« Ce sont les rappeurs qui font bouger les choses »
En quelques années, ElGrandeToto a imposé son franc-parler dans des textes qui décrivent son quotidien entre soirées alcoolisées, cannabis, violence, désœuvrement, confrontations avec la police et rêves d’ailleurs. Autant de sujets qui touchent en plein cœur toute une nouvelle génération laissée à la marge d’un pays tiraillé entre conservatisme religieux et modernité.
Pour les jeunes de Benjdia, son quartier natal, ElGrandeToto est un héros. Un personnage impertinent, brut de décoffrage, qui a réussi à libérer la parole et à rendre à la darija ses lettres de noblesse. « Toto a popularisé notre langage qui était considéré comme honteux. Aujourd’hui, il a dépassé les 100 millions de streams sur Spotify. Qui a fait ça avant lui ? Personne. Personne ne nous avait donné de la visibilité, remarque Oussama Benbrika, un lycéen de 17 ans passionné de rap, qui rêve d’une carrière de footballeur professionnel. Aujourd’hui, ce sont les rappeurs qui font bouger les choses dans notre pays, pas les politiques. Toute la jeunesse marocaine est derrière lui ! »
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