Dominique Fabre, arrivées et départs

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Sélectionné pour le Prix littéraire « Le Monde »

Si l’on aime Simenon, Henri Calet, Emmanuel Bove ou John Fante, alors on aimera Dominique Fabre. Celui-ci se revendique volontiers de cette famille d’écrivains qui ont besoin de peu pour atteindre au plus juste de la littérature et créer un monde bien à eux, sans jamais forcer la voix. Son univers, très personnel, peut être facilement circonscrit : c’est une zone de partage entre Paris et la proche banlieue, du côté de Bécon-les-Bruyères, Bois-Colombes ou Courbevoie, où il a longtemps vécu et qu’il a choisie pour cadre de presque tous ses romans. On se souvient, par exemple, de Mon quartier et de La serveuse était nouvelle (Fayard, 2002 et 2005), qui concentraient l’humanité entière dans un café d’Asnières, ou encore du magnifique Aujourd’hui (Fayard, 2021), récit d’un retour sur les lieux de l’adolescence, au chevet d’un ami ­malade.

Le premier roman de Dominique Fabre s’intitulait Moi aussi un jour j’irai loin (Maurice Nadeau, 1995) et cela le fait rire, aujourd’hui, d’un beau rire franc, quand on le rencontre pour « Le Monde des livres » : « Vous voyez, je crains de ne pas avoir tenu mes promesses : je suis toujours à la gare Saint-Lazare ! » Gare Saint-Lazare est en effet le titre de son nouveau livre, qui évoque à sa façon les transformations d’une ville autrefois plus accueillante, la fascination pourtant continuée pour ses passantes, les souvenirs, aussi, d’amours fugitives, d’une enfance pas très heureuse et d’une mère, surtout, pleine de défauts mais dont le portrait, à force de traits légers, presque fugaces, compose un tableau bouleversant. C’est donc un peu comme si la gare était un tombeau, paradoxalement vivant, offert aux existences présentes et aux rêveries d’hier, et par lequel essayer d’entrer dans l’œuvre de l’écrivain.

Gare

Lieu des départs – pour de petits voyages ou de grands surplaces –, la gare est aussi la possible métaphore du roman, tel que Dominique Fabre en conçoit le principe : un espace ouvert aux apparitions, à l’esquisse des vies, aux élucubrations infinies de l’attente. A Paris, celle de Saint-Lazare, comme le quartier qui l’entoure, a pour l’auteur une valeur particulière, puisqu’elle a longtemps fait partie de son quotidien. « Les livres précédents passaient tous par Saint-Lazare, explique-t-il, et ça faisait très longtemps que je voulais faire un roman sur ce lieu, qui est très important pour moi, mais je ne savais pas comment m’y prendre… Et puis j’ai trouvé ce principe qui consiste à énumérer tout ce que je ne verrai plus, ne ferai plus et ne vivrai plus à la gare : ç’a été une clé, à partir de quoi tout est devenu assez naturel dans l’écriture. »

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