Dennis Morris, photographe, une vie en noir et en musique

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Dans les années 1970, les taxis refusaient souvent d’aller jusqu’au quartier de Dalston, à Londres, un coin pauvre et difficile, connu pour ses appartements surpeuplés, ses ateliers clandestins. Mais le photographe Dennis Morris, qui y a grandi, en montre une tout autre facette. Celle d’une culture vibrante et joyeuse, très liée à la musique. Les « sound system parties » réunissaient, le week-end, la communauté caribéenne, coupes afro, minijupes et costumes, venue danser au son de groupes de reggae ou du DJ Jah Shaka.

« Les soirées étaient organisées dans des caves, raconte Dennis Morris. On réglait 50 pence pour l’entrée, ce qui aidait souvent les organisateurs à payer l’emprunt de la maison ! Tout était construit de façon artisanale : l’amplificateur, le système de haut-parleurs… Il y avait trois règles absolues : ne jamais marcher sur les pieds de quelqu’un, ne jamais danser avec la copine d’un autre et ne jamais se mêler de la musique. Sinon, c’était la baston ! »

Pendant des années, Dennis Morris a tenu la chronique de la vie de sa communauté, ces Britanniques originaires des Caraïbes venus reconstruire une Grande-Bretagne en ruine après la guerre, qu’on a appelée la « génération Windrush » – du nom du paquebot Empire-Windrush, qui, en 1948, avait transporté jusqu’à Londres une première vague d’immigrés venus de Kingston, en Jamaïque. « Je savais que ces images étaient importantes, mais personne n’en voulait. J’ai continué à en faire, en marge de mon travail. »

Car c’est avec ses photos de musiciens, surtout de Bob Marley et des Sex Pistols, que Dennis Morris a connu le succès. Mais, au festival Kyotographie, sous le titre « Colored Black », il préfère montrer des clichés plus intimes, d’un quotidien rude et gai, entre les salons familiaux caribéens très soignés, le système D, les sound systems, l’Eglise omniprésente et la solidarité noire.

Club photo dans le presbytère

Etonnant parcours que celui de cet homme posé et élégant, en costume sophistiqué et lunettes stylisées, que l’on rencontre à Kyoto. Né à Kingston en 1960, d’un père qu’il n’a jamais connu et d’une mère qui travaillait dans la confection, Dennis Morris aurait dû, en toute logique, travailler à l’usine, et non comme photographe renommé de la presse musicale. « Au lycée, le conseiller d’orientation me soutenait qu’un photographe noir, ça n’existait pas », soupire-t-il.

C’est par l’Eglise, indirectement, qu’il trouve sa vocation, alors qu’il est encore en culottes courtes. Le vicaire souhaitait créer un chœur d’enfants et les habiller en costume, « comme au pensionnat d’Eton ». Faute d’argent, l’homme d’Eglise lance un appel aux dons dans le Times, auquel répond Donald Paterson, un Ecossais richissime, propriétaire d’une entreprise de matériel photographique. Non seulement l’industriel finance les costumes, mais il s’occupe des enfants et crée un club photo dans le presbytère.

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