FRANCE CULTURE – SAMEDI 16 SEPTEMBRE À 21 H 00 – ÉMISSION
Si vous en avez la possibilité et l’envie, restez chez vous en ce samedi 16 septembre et, à 21 heures précises, branchez-vous sur France Culture. Il est alors fort probable que vous fassiez une expérience à nulle autre pareille. Celle d’avoir l’impression que Charlotte Gainsbourg ouvre, juste pour vous et à quelques jours de leur ouverture officielle (mercredi 20 septembre), la maison historique de Serge Gainsbourg, située 5 bis rue de Verneuil, et le musée dédié à son père, au 14 de la même rue.
Et c’est merveilleux – quand bien même vous ne seriez pas ex-fan des sixties. Merveilleux ce que le son produit. Ce que le son permet. Magique son pouvoir de nous faire voyager dans l’espace et dans le temps. De nous faire imaginer, être au plus près de, sans jamais pourtant rien imposer. C’est ce qu’ont réussi Charlotte Gainsbourg et Stephan Crasneanscki. Cet amoureux du son, que l’on connaît peut-être pour son travail avec Patti Smith (récemment l’exposition « Evidence », au Centre Pompidou), collabore depuis plus de dix ans avec l’actrice et chanteuse.
Pour la conception du dispositif sonore de la Maison Gainsbourg (munis de casques géolocalisés, les visiteurs, selon leur parcours, entendront ici une archive, là une chanson), Stephan Crasneanscki nous raconte comment, et « souvent la nuit », ils s’y sont retrouvés avec Charlotte Gainsbourg : « On y a passé de longues heures. Suffisamment pour faire en sorte que Charlotte laisse remonter à la surface des moments, des souvenirs, voire des fragments de souvenirs. Ne pas se presser, traîner même, permettait d’enregistrer sans penser à enregistrer et de pouvoir ainsi remonter le fil du temps. »
Ce matériau, Céline Ters, réalisatrice à Radio France, l’a ensuite travaillé, « aéré » pour que « ça respire ». Et d’ajouter : « L’imaginaire a besoin de temps pour se déployer et créer des images. Et c’est ce qui est magique à la radio : la possibilité de se créer des images sans en voir aucune. »
Magie des archives
Mais écoutons plutôt, car nous voici arrivés rue de Verneuil. Numéro 5 bis. « Venez, je vous accompagne, j’ai les clés », souffle Charlotte Gainsbourg de sa voix follement hypnotique et avec une pudeur qui, sans que cela soit contradictoire, va de pair avec une générosité bouleversante. Trente-deux ans après la mort de l’auteur-compositeur-interprète, nous sommes donc sur le seuil de sa mythique maison et sa fille for ever chérie a l’extrême élégance de nous inviter au voyage. De nous dire que son père effaçait les insultes et les graffitis (parfois à caractère antisémite) qui ont pu défigurer la façade : « Il ne gardait que les gentils, les mots aimables », se souvient-elle avant d’entrer.
Porte à droite, voilà, c’est le salon. Et l’on peut alors entendre, magie des archives, une cigarette qui brûle, le bruit des verres, la voix de Serge Gainsbourg et « le son d’une musique jouée excessivement fort parce qu’il n’écoutait que si c’était à plein volume ». En vrac, les souvenirs remontent à la vue d’un objet – son fauteuil – ou d’un livre. Elle se souvient de leurs tête-à-tête : « On regardait souvent la télé, même en mangeant. » Elle se souvient de la fourchette – « piquée chez Maxim’s, je crois » – avec laquelle il mangeait et qu’elle a chipée à son tour.
Plus loin, sous les escaliers, cette photo de sa mère, Jane Birkin (morte dimanche 16 juillet), torse nu, sortant d’une baignade : « Et je crois qu’elle m’a dit que c’est à ce moment-là que j’ai été conçue. » Elle se souvient encore du paquet de Gitanes – qu’il lui faisait acheter, et par cartouches. Devant son placard, elle se souvient aussi qu’« il avait deux chemises, quatre tee-shirts, quatre paires de pompes, deux jeans et c’est tout. Il n’avait besoin de rien en fait ».
Voyages immobiles
Et puis arrive ce moment, dans « son cabinet de toilette décoré comme une cabine de bateau », où elle ouvre un flacon. Celui de sa lotion après-rasage. Et là, elle chavire et nous avec elle. Car on sent que, comme Proust avec sa madeleine, c’est tout un monde qui soudain resurgit.
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« C’est fou les odeurs », dira-t-elle. C’est fou les sons, pourrait-on dire. Ce qu’ils permettent. Ce qu’ils ouvrent. Ce qu’ils offrent de voyages immobiles et pourtant si profonds. Sans compter ces moments de grâce absolue quand un silence, un souffle, une respiration viennent se glisser au creux de nos oreilles et dire tant.
D’ailleurs, et pour ne pas déflorer le reste de cette « Expérience » ô combien sensible, organique tout autant qu’esthétique, nous ne dévoilerons rien de plus. Précisons seulement qu’elle est à proprement parler exceptionnelle car, pour l’instant, sa diffusion sera unique. Ajoutons encore que, pour la vivre pleinement, il n’est pas interdit de l’écouter au casque et même dans la pénombre.
Maison Gainsbourg, création radiophonique réalisée par Stephan Crasneanscki, Simone Merli et Céline Ters (Fr., 2023, 60 min). Diffusée samedi 16 septembre à 21 heures précises dans le cadre de l’émission « L’Expérience », produite par Aurélie Charon sur France Culture.