La filmographie d’Alice Isaaz est peuplée de jeunes ambitieuses aux destins contrariés : l’étudiante à la boussole morale déréglée de La Crème de la crème de Kim Chapiron, rôle qui l’a révélée en 2014 ; Salomé, qui hante les vestiaires de la première division dans La Surface de réparation (Christophe Regin, 2017) ; Mademoiselle de Joncquières, la fille perdue qui espère échapper à sa condition grâce au mariage (Emmanuel Mouret, 2018) ; Eléna, la journaliste qui veut briller dans la lumière de l’incendie dans la série Notre-Dame, la part du feu (Hervé Hadmar, 2022).
En surface, Roxane Bauer, l’avocate que l’actrice incarne dans 66-5, la série créée par Anne Landois que Canal+ diffuse à partir du 18 septembre, appartient à la même lignée. En surface seulement. L’auteure, venue présenter 66-5 (le titre est emprunté à un alinéa de la loi de 1971 régissant la profession d’avocat) au Festival de la fiction de La Rochelle en compagnie de son actrice, définit ainsi le parcours de sa protagoniste : « une conquête et une émancipation ». Alice Isaaz classe, elle, Roxane Bauer dans la catégorie de cet emploi, encore nouveau pour elle, « des femmes plutôt que des jeunes femmes ».
Quand on la rencontre, Roxane Bauer, 32 ans – comme son interprète – semble avoir réalisé toutes ses ambitions. Originaire de la cité de l’Abreuvoir à Bobigny (Seine-Saint-Denis), elle pratique le droit des affaires dans un grand cabinet parisien au côté de son époux, qui se trouve être le fils du fondateur. Lorsque son mari est accusé de viol, Roxane se réfugie de l’autre côté du périphérique, là où elle a grandi. « On arrive à un carrefour, à 30 ans, explique Alice Isaaz, on se demande si on a choisi la bonne voie. Roxane commence par défendre son mari, ensuite elle fonce. C’est quelqu’un qui assume ses choix, qui s’assume. »
Retour à la cité
Cette assomption prend la voie du droit pénal, que l’avocate commence à pratiquer à Bobigny. 66-5 a été tourné en plein été, dans la préfecture du « 9-3 », pour profiter des vacances judiciaires qui laissaient vide le tribunal, l’un des plus importants de France en termes du nombre d’affaires traitées. Telle Atlas touchant le sol, Roxane Bauer retrouve son énergie en revenant à la cité de l’Abreuvoir, en défendant les voyous aux côtés desquels elle a grandi. « De la même façon que quand je retourne dans mon village [en Champagne], là où j’ai grandi. C’est là que je me sens le plus à l’aise », observe Alice Isaaz.
Dans le prétoire déserté, elle s’est exercée à l’art de plaider : « Il y a un parallèle entre le métier d’acteur et celui d’avocat. Ils se mettent en scène pour convaincre un jury. J’ai retrouvé la sensation que j’ai eue quand je passais des concours pour les écoles de théâtre, ou un casting. Pendant la plaidoirie, je suis la seule à avoir la parole, tout le monde m’écoute. J’ai stressé comme Roxane stresse à ce moment-là, c’est vraiment de l’adrénaline. » D’autant que, sur les bancs, la figuration était en partie composée de magistrats et d’avocats qui, raconte la comédienne, l’ont ensuite félicitée.
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